Le Ladungswerfer lourd Erhardt



Soldats allemands posant fièrement en 1916 aux côtés d'un schwerer Ladungswerfer system Erhardt.


Le Ladungswerfer lourd Erhardt est une sorte de Minenwerfer auxiliaire, en l'occurrence un lance-charges de 24.5cm. Il fut développé dans cette période du conflit où la transition de guerre de mouvement à guerre de tranchée prit tout son sens. Produit par l'imposante firme Rheinische Metallwaren- und Maschinenfabrik implantée à Düsseldorf et dont l'ingénieur Heinrich Erhardt est à la tête depuis sa création en 1889, cet engin n'est autre que la version lourde du Ladungswerfer leichter Erhardt de 9.13cm que nous avons abordé dans un précédent article que voici.



Atelier renfermant une multitude de matériels dont un Ladunsgwerfer lourd avec en arrière plan un modèle léger.




I - DESCRIPTION DU MORTIER




Le schwerer Ladungswerfer Erhardt ( s.L.W. Erhardt ) est un imposant mortier de tranchée composé d'un tube lisse de 24.5cm de diamètre et d'environ 75cm de long sur lequel est fixée, en son centre, une colossale plaque signalétique faisant office notamment de table de tir. A savoir qu'un marquage à la peinture identifiant le numéro de la pièce d'artillerie au sein de l'unité peut apparaitre sur le corps de ce dernier.
A sa droite, un système à manivelle permet d'orienter l'âme de l'engin en hauteur tandis qu'une hausse graduée semblable à celle du Minenwerfer 7.6cm, même si différente, peut être installée afin de favoriser le calcul de l'angle de tir en degré.
L'affût du Ladungswerfer sur lequel il est fixé par une clavette est réalisé en acier fondu ( fonte aciérée ) et a pour but de faire coulisser le mortier sur un rail spécialement usiné permettant ainsi son pointage en direction.



Soldat réglant le pointage en direction de sa pièce d'artillerie,
en l'occurence un Ladungswerfer lourd monté sur une plate-forme rectangulaire.


Cet ensemble ( tube et affût ) peut être positionné sur une plate-forme en bois de 115cm par 59 spécialement adaptée et renforcée d'éléments en tôle à ses extrémités. Cette dernière permet également de disposer d'une caisse à accessoires ainsi que d'un écouvillon et de son capot de protection.
Outre cet élément permettant une certaine mobilité, on retrouve également une plateforme circulaire fixe réalisée en acier et implantée essentiellement dans des positions de tir spécialement organisées pour ce type d'engin.
Ces deux embases propres au Ladungswerfer lourd disposent d'une graduation spécifique afin d'établir avec précision le repérage en direction.


Position de tir aménagée dans un abri souterrain pour un Ladungswerfer lourd monté sur une plateforme circulaire.


Le transport de ce mortier peut s'effectuer sur de courtes distances par 4 hommes et ce grâce aux poignées disposées aux angles de la plate-forme en bois. Pour des distances plus importantes, il faudra privilégier le démontage du tube de l'ensemble affût et embase afin de diviser la charge transportée par les soldats. Ainsi, il sera fait usage d'un levier spécial à crochets qui se fixe aux deux anneaux disposés à la base et au sommet du tube facilitant dès lors son transport.
A savoir que pour éviter l'encrassement du tube, et comme bon nombre de pièces d'artillerie, pouvait être positionnée sur la bouche à feu une protection en cuir maintenue serrée grâce à une courroie en cuir.


Perches de transport positionnées aux côtés d'un schwerer Ladungswerfer Erhardt en cas de repli précipité.



II - SES MUNITIONS




Le schwerer Ladungswerfer Erhardt pouvait employer 3 types de munitions, reprenant chacun un même profil, que les soldats français dénommeront "casque à pointe".
Le plus petit modèle mesure 24cm de diamètre pour une hauteur totale de 31cm et pèse 5kg. Constitué d'un cylindre de fer assez mince, puisque seulement de 1.5mm d'épaisseur environ, l'obus se termine par un sommet hémisphérique assemblé au corps par soudure autogène et rivets. On notera que le corps est muni d'un marquage à la peinture noire ou rouge réalisé au pochoir qui peut être composé d'indications faisant référence à la nature et la provenance de l'explosif, un code en rapport avec l'atelier ainsi que la date de chargement.


Vue de marquages assez différents présents sur le corps de deux projectiles courts pour Ladungswerfer.


La base de l'engin est quant à elle composée d'une multitude de disques circulaires en bois arborant une hauteur d'environ 3cm, qui sont assemblés au corps même de l'obus par une tige filetée soudée en son centre, le tout étant solidaire grâce à un simple écrou venant s'y visser.
Ce projectile est censé contenir 14 kg d'Astralit, explosif de la famille de la dynamite.

Le second projectile est semblable au précédent hormis qu'il fait 40cm de hauteur, pèse 7 kg et contient environ 23kg d'explosif.

Le troisième et dernier projectile fait 66,5cm de haut, pèse curieusement le même poids que le précédent et contient quant à lui 33,5kg d'explosif.



Soldats bavarois tous proches du front photographiés avec un Ladungswerfer lourd et ses projectiles munis de marquages à la peinture.


Ces 3 modèles étaient utilisés avec une fusée d'obus bien spécifique de forme conique qui venait se visser au sommet de la munition dans un orifice prévu à cet effet. Cette ouverture filetée de 60mm de diamètre accueillait cependant au préalable une petite gaine-relais en fer blanc qui devait être serrée à l'aide d'une pince et ce afin de pouvoir recevoir la dite fusée. Par ailleurs, avant sa mise en place, il fallait placer dans cette fameuse gaine une cartouche détonateur relais de 270gr de Tolite ( trinitrotoluène appelée par les allemands Füllpulver 02, soit Fp. 02 ).



Bizarrement, cette fusée d'obus ne porte aucun marquage comme à l'habitude renseignant sur son modèle. Elle possède une goupille de sécurité et est constituée de 2 plateaux en cuivre dont un seul est gradué ( durée de combustion comprise entre 4 et 15 secondes ) et mobile, alors que son corps est lui réalisé dans un alliage de zinc, d'étain et de cuivre.


Hommes du I.R.20 au bois d'Ailly se préparant à procéder au tir.
On notera la présence de deux modèles de projectiles dont l'un des soldats est en train d'ajuster le serrage de la fusée.


Durant le stockage et le transport, le projectile était bien évidemment dépourvu de la dite fusée et fermé par un bouchon spécifique en alliage de zinc muni de deux méplats pour le serrage.



Vues présentant la fusée d'obus spécifique ainsi que le bouchon de transport pour les projectiles.


Une production plus tardive de cette fusée fut réalisée. De nombreuses modifications furent ainsi apportées mais la principale amélioration réside dans le fait que cette nouvelle fusée fut directement dotée d'une gaine détonateur en acier contenant environ 20 grammes de mélinite ( Grf. 88 / Granatfüllung 88 connue également sous le nom d'acide picrique / Pikrinsäurepräparat ), cela évitant dès lors la mise en place préalable de la cartouche détonateur relais comme cela était le cas auparavant.
A savoir que l'emploi de ce nouveau modèle imposait la modification de la gaine originale des projectiles par l'allongement de quelques millimètres.



Pour être fait usage de ces obus, il fallait utiliser une étoupille à friction à la base inférieure même du tube du mortier. Portant le nom de Reibzündschraube, cet artifice était du même type que celui employé avec le Ladungswerfer léger mais également avec les Minenwerfers moyens et lourds de 17.5 et 24.5cm, ainsi qu'avec des modèles auxiliaires comme par exemple le Flügelminenwerfer.
Cette étoupille disposait d'une tête à forme octogonale dont l'une des faces pouvait supporter un marquage estampillé à froid.


Soldats se préparant au tir avec un lance-charges lourd de 24.5cm en Belgique.


On la retrouve conditionnée de différentes manières. Ainsi, pour le Ladungswerfer léger ce fut en caisse de 55 tandis que pour d'autres mortiers ce fut dans une boite de 6 avec support en bois.

Pour le schwerer Ladungswerfer Erhardt, et au vue d'une découverte terrain faite dans un abri souterrain, il semble que cela ait été par 10 dans des boites en fer blanc ( ou zinc ? ) munies sur leur couvercle d'une étiquette papier renseignant sur le contenu.



Conditionnement de ces fameuses étoupilles à friction.


Le rôle de ces étoupilles était d'assurer la mise à feu des charges propulsives et donc la propulsion des munitions dans les airs. Les Treibladung ( charges propulsives ), c'est leur nom, se présentent sous la forme d'un sachet de toile renfermant 30, 60 ou 90 grammes de poudre noire et sont stockées dans des boites cylindriques.La portée maximale pouvant être obtenue dans des conditions optimales est de 265m pour le projectile de 31cm de haut, 190m pour celui de 40cm et pas loin de 160m pour le plus grand d'entre eux.


Schwerer Ladungswerfer du système Erhardt photographié à Prouilly en 1918 lors de la seconde bataille de la Marne.
On notera que le soldat de droite tient dans ses mains une charge propulsive ainsi que sa boite de transport.



En conclusion, nous pouvons donc dire que le Ladungswerfer lourd Erhardt fait partie de cette panoplie d'engins de tranchée qui fut développée en début de guerre et qui témoigne de la volonté des hautes autorités allemandes à vouloir dominer l'adversaire dans le domaine de l'artillerie et ce, dès le commencement du conflit !
Ainsi, on retrouve même en 1916 dans le XIIIème Corps d'Armée de Réserve allemand 4 détachements ayant pour tâche exclusive l'emploi des Ladungswerfer lourd ( Schwere Ladungswerfer Abteilung ), c'est dire l'importance qui y est donnée.



Julian Byng, commandant du Corps d'Armée canadien sur le front ouest, analysant avec un officier français
quelques prises de guerre effectuées après la bataille de Vimy ( département du Pas-de-Calais ) en 1917.
Parmi des Minewerfers de 7.58cm, des mortiers Lanz, des Granatenwerfer modèle 1915 et 1916, on retrouve un Ladungswerfer lourd.








Sources:
- Note sur les Minenwerfer par le Centre d'instruction de l'artillerie de tranchée - Juillet 1916
- Note sur les engins de tranchée allemands par le Ministère de la Guerre - Septembre 1916
- Fascicule sur le lanceur de charges lourd type Erhardt par Henry Bélot

Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Ernest
- Jérémie Raussin
- Bruno Rouyer
- Yves Soriano



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