Ses appellations et autres surnoms furent très divers.
Ainsi on parle du coté allemand pour le lanceur, outre l’appellation réglementaire de Granatenwerfer, de Priesterwerfer; le Granatenwerfer Neue Art aurait été en effet dessiné par un prêtre Hongrois, pays alors allié de l’Allemagne.
Ses projectiles se voient définir comme nom Wurfgranaten ( abréviation W.Gr. ).
Du coté français, les noms sont tout autre et c’est sans doute le bruit si particulier du projectile dans les airs qui fit que les poilus ont surnommé ce dernier Pigeon, Tourterelle ou encore Taube en référence à l‘avion allemand.
I - LE GRANATENWERFER : son évolution durant le conflit.
A) Les Granatenwerfer modèle 14 et 15.
Coté gauche: Photo représentant un Granatenwerfer 15.
Coté droit: Photo représentant un Granatenwerfer 14 sur le front des Vosges.
Cet engin aurait été très certainement élaboré à l’origine par les usines de production de la célèbre firme Krupp, à la fin de l’année 1914, et comme on peut le voir, son utilisation est des plus simpliste. Sa tige de lancement, pièce clé du lance-grenades, est composée d’un système permettant la percussion, à laquelle on donne l’orientation et l’inclinaison voulues.
Le gros point négatif dans ce mortier qui vient tout juste de faire son apparition sur le front réside dans le poids exorbitant de sa plateforme. Il faudra attendre quelque temps pour voir apparaître une embase d'un poids plus acceptable que nous allons traiter plus bas.
Photo d'un groupe de soldats du RIR120 prise en Août 1916 devant Nogent - l'Abbesse ( Marne )
et présentant un Granatenwerfer 15 positionné sur sa plateforme fixe
• Le Granatenwerfer modèle 1915 est composé du lanceur monté sur un bâti de forme arrondie sur lequel est apposée la plaque du fabricant ainsi que le numéro de série marqué à froid.
Les usines qui le produirent furent assez nombreuses et on compte ainsi parmi elle la firme Rheinische Metallwaaren- und Maschinenfabrik plus connue sous le nom Rheinmetall qui, de nos jours, est toujours en activité. Cette dernière fut créee le 13 Avril 1889 à Düsseldorf par l’ingénieur Ehrhardt Heinrich et c’est de cette usine de production que provient l’exemplaire du premier type ci-dessous découvert dans un grenier Alsacien.
Nouvelle photo de notre Granatenwerfer 15 monté sur une embase découverte en Meuse.
Groupe de soldats muni de grenades à manche modèle 1917 et posant aux cotés d’un Granatenwerfer 1915 monté sur son embase.
Officiers aux cotés de soldats posant dans une position de première ligne avec un Granatenwerfer 14.
On notera la présence d’une caisse de 10 projectiles du premier type.
Hommes de la 1ère Kompanie du IR48 en Août 1916 sur le front de l'Est.
Ce nouveau modèle de lance-grenades apparaît avec l’année 1916 et est, comparé à son prédécesseur, beaucoup plus léger malgré ses 24 kilos et ainsi bien plus maniable. C’est sans doute ces qualités qui vont faire de lui l’un des mortiers de tranchée le plus représentatif de l’Armée Allemande!
Son bâti, tout comme le modèle 1915 du 1er type, possède une plaque fabricant et est parfois marqué à froid d’un numéro de série.
L’exemplaire de grenier ci-dessous monté sur embase et équipé d’une grenade du premier modèle, a la particularité de posséder des marquages à la peinture blanche identifiant le numéro de la pièce au sein de la compagnie.
Exemplaire du Mémorial de Péronne dans la Somme.
Démonsration de matériels divers dont un modèle d'embase ordinaire pour Granatenwerfer qui semble avoir été découpé pour en alléger le poids.
On notera également la présence d'une claie de portage pour le mortier lui-même.
Troupes d'assaut procédant à une démonstration devant les hautes autorités autrichiennes.
II - SES PROJECTILES : une multitude de modèles.
Usine de production de projectiles Wurfgranaten 1915 du second type.
A) Le premier type.
C’est avec la création du Granatenwerfer que le projectile, appelé Wurfgranaten, fit son apparition à la fin de l'année 1914. Ce modèle précoce étant le tout premier a avoir été réalisé pourrait être défini comme un projectile Typ/System "Erhardt".
Composé d’un corps fait de fonte et quadrillé de manière très prononcé extérieurement, celui-ci est vissé sur une queue creuse empennée possédant trois ailettes et est muni en son sommet d’une fusée percutante qui, pour éviter toute menace potentielle en terme de sécurité durant le transport et autres, possède une goupille.
Son poids à vide est identique au projectile de second type chargé soit un peu plus de 2 kilos.
Sa forme très particulière s’approchant de la goutte d’eau voir d’une poire pour les plus imaginatifs, fait de ce projectile qu’il est très peu aérodynamique et que ses capacités balistiques devaient être médiocres malgré que son usinage soit très bien élaboré, ce qui fait de lui un projectile plutôt difficile à produire ou tout du moins à produire dans des proportions moins importantes que son prédécesseur, le Wurfgranaten du second type.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce projectile qui est sans doute le plus commun, est apparu en 1915 et a ainsi été produit non pas pour le Granatenwerfer 16, mais le 15.
Cette grenade se compose d’un corps cylindrique en fonte à fragmentation extérieure, pourvu à sa partie postérieure d’une queue creuse et empennée, et, à l’avant, d’une fusée percutante de même type que la précédente.
La grenade pèse 1850 grammes et renferme 225 grammes d’un explosif brisant qui sera de la Tolite dans un premier temps, vite remplacé par des explosifs chloratés comme la Wesphalit qui est également employée pour les pains d’explosifs.
Souvent méconnu des collectionneurs, ce projectile est très bien décrit par le Lieutenant-Colonel CLAUDOT, Inspecteur des études et des expériences techniques des armes portatives, qui procéda à une analyse en 1918 pour l’Armée des différents projectiles employés par l'Allemagne durant le conflit.
Ainsi, il décrit cette grenade à rebondissement comme un projectile qui se compose comme les autres modèles de Wurfgranaten, soit d’un corps cylindrique pourvu à sa partie postérieure d’une queue creuse et empennée.
Bien que rarement rencontré, il ne faut pas oublier que le Granatenwerfer pouvait utiliser les projectiles du Signalwerfer puisque ces derniers étaient de même calibre. En effet, peu courantes sont les photos d'époque qui présentent le Granatenwerfer 1916 employant ce type de projectile mais elles existent, il ne faut donc pas écarter non plus l'éventualité d'un usage de projectile porte-message !
De ce fait, je vous invite à parcourir l'article sur le Signalwerfer présent dans la rubrique "Documentation / Armement" de notre site internet et consultable ici.
Groupe de soldats photographié en 1917 aux côtés d'un GW16 monté avec une grenade éclairante.
Outre les trois types de projectiles que nous venons de voir et qui ont été le plus employés sur le front, notamment le second type qui a été sans doute produit à la plus grand échelle, on retrouve un certain nombre de grenades dont la mention "rare" pourrait leur être décernée tant les modèles découverts sont peu nombreux ce qui peut laisser penser, outre à une petite production, à une utilisation sur des secteurs bien précis.
Ainsi, on retrouve par exemple des projectiles « normaux » si ce n’est leur corps qui est bien plus petit, voir leur queue, mais également des modèles non plus quadrillés mais totalement lisses !
Soldat allemand réglant son projectile sur le Granatenwerfer.
On notera que ce dernier dispose d'un tampon sur l'une de ses ailettes.
Position d'un Granatenwerfer 16 dans une tranchée.
On notera la présence de caisses de projectiles Wurfgranaten 1915 du second type dont le positionnement des marquages est différent, variation très certainement dûe aux fabricants.
A) Du lanceur.
Même si il n’a pas encore été démontré que le Granatenwerfer 15 était livré en caisse, ce qui devait cependant être le cas et semble tout à fait logique, il n’en est rien avec le Granatenwerfer 16 dont bon nombre de photos d’époque et découvertes sont là pour le prouver.
La caisse du lance-grenades renfermait outre le lanceur, accessoires et pièces de rechange.
Cette dernière était peinte bien souvent en Feldgrau mais il arrive de rencontrer des couleurs plus proches du gris que du vert.
Faite de bois, elle est munie de deux petites poignées en métal ainsi que d’un système de fermeture. Son couvercle est maintenu après ouverture à la verticale par une petite chaînette de retenue et présente, en son intérieur, une petite plaque cloutée où l’on peut lire la nomenclature du contenu ( il arrive d'observer quelques divergences dans le nombre de pièces d'une plaque à l'autre ).
Sur l’ensemble sont apposés de nombreux marquages à la peinture noire, on retrouve ainsi :
- Sur le dessus, la mention « GRANATENWERFER 16 »
- Sur sa paroi de devant à gauche, un symbole composé d’une croix ( le même procédé est visible sur la plupart des caisses allemandes en rapport avec les munitions ) renseignant sur le fabricant, la date de production exacte ainsi que le numéro de la pièce
- Sur sa paroi de devant à droite, l’abréviation de ce que la caisse contient soit le Gr. W. 16
- A l’intérieur de son couvercle, le même type de symbole à croix et toutes les informations qui s’y rattachent
La première de ces caisses contient 10 projectiles avec leur fusée vissée sur l’ogive et cartouche propulsive fixée au culot. Maintenus en place par des cales en bois spécialement étudiées, ces derniers sont disposés d’une certaine manière que l’on définit de « tête-bêche ».
Sur la droite de la caisse est disposée une petite boite étanche renfermant un support en bois dans lequel sont disposés 10 détonateurs composés d‘une amorce de 28,5 grammes de composition fulminante; boite semblable à celle des grenades à manches avec une étiquette renseignant sur le contenu collée sur le dessus.
Composée de deux fermoirs en fer, on retrouve pour faciliter le transport deux poignées qui sont bien souvent faites d’une épaisse corde. Cependant, selon le fabricant, on retrouve de fines poignées en métal voir un modèle assez imposant, typiquement allemand, que l’on retrouvera sur toute la production de l’autre variante de caisse que l’on traitera plus bas.
La caisse en elle-même comporte bon nombre de marquages à la peinture noire dont l’inévitable croix renseignant à la fois sur la date de production, le fabricant et le contenu.
Par ailleurs, outre ces quelques inscriptions, on retrouve sur l’arrière de la caisse une mention nous indiquant qu’il est impératif de ne pas se débarrasser de celle-ci une fois vide mais de la renvoyer afin qu’elle soit réutilisée; pas question à cette époque cruciale du conflit de gaspiller !
A l’intérieur du couvercle, on retrouve dans le coin en haut à gauche l’abréviation du fabricant ainsi qu’au centre une étiquette papier épaisse cloutée nous informant sur la manière d'utiliser le projectile ("Mise en oeuvre du projectile 1915. Dévisser le détonateur ! Monter la capsule explosive ! Visser le détonateur ! Monter le projectile sur l'affût de tir ! Tirer la mèche !").
Photo d'époque faisant partie d'un ensemble de clichés réalisés par l'Armée Française et présentant différents types de projectiles en caisse pris à l'ennemi lors de sa retraite
( grenades à manche, grenades à tige modèle 1914, grenades tortue de type offensif, etc ... ).
Le second modèle de caisse est sans doute le plus couramment rencontré avec celui pour bandes de mitrailleuse MG08.
D’une longueur bien plus petite, cette caisse est un peu plus haute que la précédente et contient le même nombre de projectiles soit 10 exemplaires, tout comme la petite boite à détonateurs.
Faite de bois et renforcée en ses angles de plaques métalliques, ce modèle de caisse voit ses projectiles disposés de la même manière que le précédent type tout comme ses marquages, dont le "A retourner vide à la centrale de traitement des caisses au pays", même si le dessus du couvercle possède sur chacune de ses extrémités deux mentions indiquant qu'il faut protéger la caisse de l'humidité et ne pas la jeter.
Groupe de soldats posant avec un GW16 et sa caisse de projectiles. L'un d'eux est équipé d'un pistolet de signalisation Hebel.
On notera par ailleurs la multitude de détails intéréssants comme la présence de munitions éclairantes destinées à l'origine au Signalwerfer,
sans oublier l'un des quelques modèles de claie de portage pour le lanceur dont le sujet sera traité plus bas.
Afin de faciliter la tâche aux soldats et de ne pas avoir besoin de deux paires de bras, un système fut mis au point et permit de transporter à dos d’homme le Granatenwerfer 16. Ce dernier était fait de bois et permettait d’être maintenu tel un Tornister à l’aide de bretelles; ce système fut d’ailleurs repris pour le transport de d’autres matériels comme les obus de Minenwerfers de moyens et gros calibres, voir même chez les Français pour les projectiles du mortier de 58 appelés plus familièrement "Crapouillots".
Homme du Garde Reserve Pionier Regiment
portant à l'aide d'une claie de portage un Granatenwerfer modifié.
IV - SON UTILISATION
Photo de gauche : Essai de tir aux Granatenwerfers mdl 1915 et 1916.
Photo de droite : Granatenwerfer 15 du second type avec ce qui semble être son livret d'instruction.
Extrait du livret d'un soldat du Jäger Batl 6 où on peut lire en bas : "Hat vor 5.10. bis 3.11.16 am Ausbildungs Kursus am Granatenwerfer 16 und mit Stiel und Eierhandgranaten ...".
Photo du haut : Stage de formation en rapport avec le Granatenwerfer se déroulant durant l'année 1916.
Photo du bas : Groupe de soldats avec insigne de manche se rapporttant à leur spécialité, à savoir le Granatenwerfer.
Par ailleurs comme cela a pu être dit, les détonateurs composés d’une amorce de 28,5 grammes de composition fulminante étaient disposés dans une boite étanche par 10 contenant un support en bois.
Les incidents de tir ( ratés, coups anormaux, éclatements prématurés, etc ... ), comme pour toutes pièces d'artillerie, sont nombreux et peuvent s’expliquer de diverses manières. Vent soufflant par rafale, charge humide, cartouche propulsive mal placée dans l‘axe de la queue sont autant de causes qui font que les projectiles de Granatenwerfer n'échappent pas à la règle.
Afin d’éviter ces inconvénients, un maximum de précautions est à prendre par les utilisateurs comme l’observation des conditions atmosphériques qui peut apparaître banale à première vue mais qui a toute son importance lors du tir; une pince est même mise à disposition afin de détordre un maximum les ailettes qui auraient pu se déformer.
Grossière mise en scène ou véritable projectile ayant fini sa course dans un arbre ?
Exemple de 2 projectiles d'aviation réutilisant un corps d'un projectile de Granatenwerfer modèle 1915 du deuxième type.
V - CONCLUSION
En conclusion, le Granatenwerfer, lance-grenades de l'Armée Allemande, joua un rôle clef durant le premier conflit mondial et encore bien après aux cotés d'autres combattants d'origines lointaines.
Ce succès peut s'expliquer par la grande mobilité et vitesse de tir de ce mortier qui à l'avantage de lancer des projectiles sans produire de fumée ni même de bruit, ou tout du moins dans de faibles proprotions. De plus, étant très léger, il peut être mis rapidement en service et est donc ainsi difficile à repérer.
Par ailleurs, le Granatenwerfer comme on a pu le voir dans cet article, peut à lui seul, représenter un thème de collection tant la diversité dans ses modèles, accessoires, projectiles est considérable.
Equipe du Sturmbataillon Nr. 6. emportant dans ses sacs à grenades
les projectiles du Granatenwerfer au lieu des habituelles grenades à manche.
Sources:
- Le service du Lance-grenades mle 1916 par le Ministère de l'Armement et des Fabrications de guerre - Juin 1917
- Les engins de tranchée: le granatenwerfer "Taube" par J.-J. Dubois
- Manuel "Granatenwerfer 1916 ( Gr. W. 16 )" édté à Berlin par le Comité d'ingérieurs de l'Armée
- Notice succincte sur les divers modèles de grenades actuellement en service dans l'armée allemande édité par l'Armée Française - Avril 1918
Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Rémy Risacher
- Luc Duchemin
- Yann Héry
- Yves Soriano
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- Eric Baradon
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