Les Protections Corporelles Françaises



Fameux nettoyeurs de tranchées arborant un protège corporel.



La guerre de tranchée est souvent synonyme de corps à corps guerriers; les boyaux n'étant parfois espacés que de quelques mètres, il n'est pas rare de voir ce type de combats se multiplier !
Pour éviter toutes blessures liées à ce genre d'affrontements, mais également pour être protégé lors de la tenue d'un poste de tir, etc…, le soldat se vit équiper d'armures médiévales semblant venir d'un autre temps. On peut ainsi évoquer l'histoire d'un Lieutenant qui dirigeait une section de mitrailleurs et qui n'hésita pas à bondir, hors de sa tranchée lors d'un assaut, un bouclier de chevalier à la main qu'il avait acheté auparavant chez un antiquaire.
Ce type d'emploi était certes minoritaire mais a bel et bien existé avant que l'Etat-Major ne se décide enfin à entreprendre des recherches. On vit alors apparaître sur le front une panoplie d'engins de tous types allant de la cuirasse au bouclier de protection, certains produits en série, d'autres de confection quasi artisanale, permettant ainsi à nos poilus d'être équipés d'une protection moins lourde et plus maniable que de banales armures moyenâgeuses.




I - CUIRASSES PARE-BALLES LOUPPE / HESLOUIN



Soldats français dans une tranchée dont l'un d'eux fait usage de protèges corporels de façon peu commune !


               A) Ses origines.


Cette protection semble être la première à avoir été livrée au front, il faut dire que ces origines sont lointaines, remonter le temps semble ainsi être nécessaire pour en savoir plus à son propos. En effet, ce n'est autre que le maire de Locronan ( commune du département du Finistère, région Bretagne ), Mr Brolivet, qui dès 1897/1898 eu l'idée de fabriquer un protège thorax constitué de ressorts et d'étoffes. Il fit part de ce projet au Ministère de la Guerre mais ce dernier fut malheureusement rejeté. De ce fait, ce pare-balles trouva une toute autre utilité dans les champs et se transforma en un pare-cornes protégeant ainsi les pommiers des coups que peuvent y donner les vaches.

Ce n'est qu'en 1904 que cette idée de protège thorax pour soldat fut reprise et améliorée par une entreprise portant comme raison sociale le nom de "Simmonnet, Heslouin et Cie".
Mr Simmonet, ancien fabricant de papier devenu depuis peu fabricant de fulmicoton ( susbtance explosive ), décida de s'associer avec Mr Heslouin, chef du cabinet du Préfet du Finistère, ainsi qu'à Mr Louppe, ingénieur alors directeur de la poudrerie de Pont-de-Buis. Ils décidèrent tous trois d'implanter leur usine dans une petite commune située au fin fond de la Manche, à Saint-Hilaire-du-Harcouët.
Ce nouvel entrain porté par ces 3 hommes pour ce type d'équipements n'est pas innocent puisque la guerre Russo-Japonaise ( Février 1904 - Septembre 1905 ) fais rage de l'autre côté du globe. Pour preuve, la société rentra directement en pourparlers avec le gouvernant Russe pour une plausible fourniture de cuirasses censées protéger les hommes des balles. Après réflexion, l'idée parue séduisante et c'est ainsi que l'Armée passât commande de 100 000 pare-balles, au prix de 60 francs l'unité, afin d'équiper ses fantassins en faction dans le Mandchourie.
2 Millions de franc furent versés en acompte, soit le tiers, mais à réception des premières cuirasses, le colonel de Zabulewski s'insurgea! En effet, les protèges thorax ne pesaient en aucun cas le poids spécifié dans le contrat, celui-ci stipulant que ces derniers ne devaient excéder 4.100kg. Les tests effectués par ailleurs à Pont-de-Bluis s'avérèrent désastreux, les balles traversant de part en part les cuirasses! De soi-disant modifications furent effectuées afin de consolider cette protection et la rendre plus légère mais de futurs tests demandés feront de ce contrat passé entre la société et l'Armée Russe un incroyable scandale sur fond de mesures tronquées et de faux poinçons; litige qui se réglera d'ailleurs devant les tribunaux !

Il faudra attendre le début de la Grande Guerre pour réentendre parler de ces cuirasses. En effet, le Tsar pris de cours, l'Allemagne lui ayant déclaré la guerre le 1er Août 1914, va faire des mésaventures passées quelque chose d'oublié en décidant de passer commande dès les premiers mois du conflit auprès de la petite firme de production normande, mais en vain, l'usine ayant fermé suite aux déboires rencontrés à l'époque.
C'est donc sans doute cette commande qui mit la puce à l'oreille de notre Etat-Major puisqu'il décida peu de temps après de mettre à l'épreuve des balles, lors d'essais officiels conduits à Rennes et à Bordeaux, des exemplaires de protections individuelles issus des stocks de l'ancienne usine. Il en résulte que toute balle de fusil ou de mitrailleuse tirée à plus de 230 mètres de distance s'aplatit sur l'acier de cette protection. Ainsi, ces tests jugés concluants par le Ministère de la Guerre vont permettre à l'usine "Simmonnet, Heslouin et Cie" de réouvrir ses portes. Pour cela, l'Armée française va même jusqu'à mettre à contribution des Territoriaux ( soldats d'un certain âge ), en plus du personnel ouvrier déjà existant, afin de faire tourner à plein régime ce lieu!



Démonstration réalisée au début de la guerre pour présenter le protège abdomen qui va bientôt être distribué sur le front.


Cette démarche va permettre dès le mois d'Octobre 1914 que soient livrés au front des protèges de ce type. Le Journal des Marches et Opérations du Génie du 5ème Corps d'Armée confirme ceci puisqu'il nous indique que la place de Verdun doit livrer 300 cuirasses Heslouin à cette même période ( certains documents d'époque nous parlent également de cuirasse pare-balles Louppe ). A savoir que dès Décembre, ce sont 100 000 exemplaires de cette protection qui vont être envoyés aux différentes unités éparpillées sur le front, notamment en Argonne.


               B) Son descriptif.


Après avoir traité des origines de cette cuirasse, nous faut maintenant revenir aux fondamentaux et parler de celle-ci tout en oubliant pas de mentionner ses particularités.


Cuirasse pare-balles Heslouin / Louppe ( modèle unique )

Ce pare-balle qui protège la partie thoracique de son porteur pèse près de 2.4 kilos et est fabriqué dans un acier de composition spéciale ayant pour but de résister à différents projectiles, ou tout du moins à en limiter la pénétration. Ce dernier arbore une forme particulière dont une échancrure importante réalisée du côté droit ou gauche permet au soldat de pouvoir épauler son fusil et ce sans grande difficulté.

Par ailleurs, une housse de couleur écrue réalisée en forte toile l'enveloppe afin d'éviter au maximum tous sons de cloche pouvant en émaner lors de mouvements de son porteur mais également pour en préserver le métal, un peu à l'instar de la gourde dont est équipé le fantassin. Pour pourvoir être portée, la cuirasse pare-balles Heslouin / Louppe est munie de courroies cousues qui doivent être passées autour des hanches mais également du cou, puis réglées grâce à un système à boucle pour celle du bas, afin que cette protection soit au maximum maintenue au corps de la personne qui la porte.



Protège abdomen exposé au Musée de la Grande Guerre de Meaux.


En outre, il faut savoir que de nombreux marquages sont estampillés à l'encre noire sur la housse de ce protège et ce du côté intérieur. En effet, on retrouve la lettre D ou G nous indiquant si cette protection est faite pour un droitier ou un gaucher sans oublier les mentions qui font référence à la taille de cette dernière ( lettre T suivie d'un chiffre ). De plus, certains exemplaires présentent le fameux tampon rectangulaire des équipements militaires de Paris qui nous renseigne entre autres sur la date de fabrication du protège.



Autre vue d'un groupe de nettoyeurs de tranchée équipé de pare-balle Heslouin.


Cuirasse pare-balles Heslouin / Louppe ( modèle en deux parties )

Des découvertes faites sur le terrain ont permis de prouver l'existence d'une seconde variante de la protection traitée ci-dessus. Celle-ci reprend le bouclier précédemment décrit mais est complétée par un second élément.
L'ensemble, d'un poids de 3.2 kilos environ, permet ainsi de protéger la poitrine du porteur mais également son ventre; le tout étant désolidarisé, le soldat ne trouve aucune peine à se courber même si le nombre de parties basses de cette protection découvertes seules sur le terrain auraient tendance à faire croire le contraire, indiquant que le soldat n'ait pas hésité à supprimer lui-même ce complément qui apparaît comme de trop pour un ensemble dont l'efficacité réelle est largement entachée par les nombreux essais.




Aucun document d'époque ne nous a permis de définir avec exactitude lequel des deux modèles décrits ci-dessus est apparu en premier, à moins que ces derniers aient été produits parallèlement ce qui semble cependant moins probable.
Un article de journaux en date de Janvier 1915 parle néanmoins déjà du modèle de pare-balle Louppe en deux parties, il y a donc de fortes chances que ce protège-ci ait été produit le premier par cette firme de fabrication, variante qui sera sans doute très vite abandonnée pour laisser place au modèle unique qui, bien que son effet protecteur soit moindre ( la cuirasse dans son ensemble couvrant une plus petite partie du corps de son porteur ), reste sans aucun doute moins encombrant et donc plus pratique.



II - CUIRASSE PARE-BALLES LOUPPE ( GRAND MODELE )




Cette cuirasse se décline en 2 grands types et semble avoir été mise au point dès l'année 1915, sans doute durant le second trimestre, par un certain Mr Louppe que l'on connait déjà pour sa production de protections corporelles pour soldat avec la firme de fabrication "Simmonnet, Heslouin et Cie". D'une taille plus imposante, ce nouveau modèle de forme similaire est composé d'une plaque d'acier spéciale recouverte d'une housse en forte toile de couleur écrue pour un poids total d'environ 12 kilos.
Tout comme pour sa petite sœur, cette cuirasse dispose de marquages à l'encre tamponnés à l'intérieur même du protège.
On retrouve ainsi des indications en rapport avec le type de protection composées d'une lettre G ( protection pour gaucher avec échancrure réalisée en conséquence ) ou D ( pour droitier ), complétée d'un marquage faisant référence à la taille de cette dernière ( lettre T suivie d'un chiffre ).
De plus, ce type de cuirasse peut comporter le tampon rectangulaire des équipements militaires de Paris qui nous renseigne entre autres sur la date de production.

Bien qu'il protège d'un seul tenant le thorax et l'abdomen de son porteur, il ne fait aucun doute que le port de cette cuirasse pare-balles de grande taille soit des plus désagréables. En effet, même si la protection qu'il confère est accrue par rapport au petit modèle désigné comme Cuirasses pare-balles Louppe / Heslouin, cet imposant pare-balles devait être des plus gênants pour le soldat, rendant désagréable tous déplacements ou même de banals gestes comme se baisser tout simplement.

De ce fait, une question parmi tant d'autres vient à se poser :
La cuirasse pare-balles Louppe ( grand modèle ) peut-elle être considérée comme une production intermédiaire réalisée peu de temps après la production des modèles de petites tailles ?
Dès lors, on peut remettre en doute l'idée avancée plus haut et considérer que les boucliers Heslouin en 2 parties ( précédemment décrits ) sont de production plus tardive et ont été réalisés dans l'optique de contourner les inconvénients rencontrés lors du port de la cuirasse Louppe de grande taille… à moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une production totalement indépendante ?
Encore une des innombrables questions qui restent sans réponse et qui font que notre soif de connaissance n'est pas prête de s'arrêter!

A savoir que c'est après des essais effectués au sein du 56 et 59ème B.C.P. ( Bataillon de Chasseurs à Pied ), conduits sous les ordres du Lieutenant-Colonnel Driant en Novembre 1915, que vont être produits environ 30 000 exemplaires ( chiffre à vérifier ) de cette fameuse cuirasse. Cette dernière semble être d'une assez bonne protection balistique, résistant aux balles de mitrailleuses et fusils sans perforation ni déformation, même si elle est jugée lourde et encombrante, peu adaptée au conflit qui est en train de se jouer sur le champ de bataille où l'environnement ne lui laisse guère d'avenir.



               A) Cuirasse pare-balles Louppe du 1er type.




Dans sa première version, cette protection peut être maintenue à bout de bras et apparaître ainsi comme un bouclier portatif et ce grâce à des poignées.
Ce mode d'utilisation peut trouver preneur mais reste tout de même peu pratique puisqu'il prive le soldat d'un de ses membres et peut interférer également dans l'équilibre de ce dernier lors d'un déplacement rapide.
Ainsi, un second mode de port a été pensé pour porter la cuirasse au corps. En effet, pour cela le soldat devra enfiler un brelage spécifique sur lequel devra être positionné le protège. Celui-ci s'apparente à un harnais composé de sangles disposant d'œillets et de crochets où il suffira de placer la cuirasse sur laquelle ont été rivetées des boucles.

Par ailleurs, on notera l'épaisseur importante de cette protection due à la superposition d'épaisseurs de tissu censée atténuer la pénétration des projectiles à l'impact.


               B) Cuirasse pare-balles Louppe du 2nd type.




Le deuxième modèle de cuirasse Louppe de grande taille a été totalement repensé par son inventeur.
En effet, outre sa forme qui dorénavant diffère avec une base non plus courbée mais horizontale aux angles arrondis, c'est le système de port lui-même, à savoir en tant que plastron par le biais d'un brelage spécifique, qui est abandonnée.

De ce fait, cette protection revenant à une version plus simplifiée se portera dès à présent à l'aide de bretelles cousues dont l'une, fixe, est à enfiler autour du cou, tandis qu'une seconde, réglable, est à adapter à la taille du porteur.



III- CUIRASSE PARE-BALLES DAIGRE


D'allure semblable bien que totalement différente, cette nouvelle protection a été inventée par Mr Daigre et semble avoir été développée également au cours de l'année 1915, elle se décline d'ailleurs en 2 versions.

Soumise tout comme sa consœur à des essais entrepris chez les chasseurs du 56ème et 59ème B.C.P. ( groupe Driant ) en Novembre 1915, cette cuirasse se révèle être d'une capacité d'arrêt importante, les balles allemandes, même en version "dum-dum" ( inversée ) s'aplatissent sur le métal et ce même à courte portée. Elle semble par ailleurs même être préférée au modèle Louppe !
Cependant, le lieutenant-Colonnel Driant qui est à la tête de ces tests reste tout aussi critique à son égard, n'étant pas convaincu de leur efficacité réelle. Cela n'empêchera pas que cette dernière soit produite à environ 20 000 pièces ( chiffre à vérifier ), un document américain indiquant même le rendement journalier de cette dernière, soit 2000 protèges, sans oublier d'en préciser également le coût de fabrication à l'époque qui s'élève à 22 Dollars.

A savoir que la cuirasse pare-balles Daigre pouvait être utilisée avec le modèle Louppe en formation de combat de deux types, à 2 ou 3 rangs.


               A) Cuirasse pare-balles Daigre du 1er type.




Reconnaissable de par sa forme aux courbes beaucoup plus rectilignes, cette cuirasse est composée d'une plaque d'acier spécial recouverte d'une matière gélatineuse censée absorber les éclats. Tout comme le modèle Louppe dans sa première version, la protection Daigre peut être tenue à bout de bras par le biais de 4 poignées en tissu de deux tailles différentes qui sont fixées à l'aide de rivets à l'intérieur même du protège, mais également portée en plastron à l'aide d'un système d'attache identique au modèle précédemment décrit.




A savoir que cette cuirasse se différencie encore un peu plus du modèle du concurrent par l'emploi d'une housse cousue qui ressemble à de la toile cachou employée pour les tentes individuelles des soldats.
Cette enveloppe protectrice n'est plus du genre à coller à la plaque d'acier comme cela était le cas avec la forte toile écrue employée pour le modèle Louppe, bien au contraire !
En effet, cette dernière est dorénavant bien plus ample, c'est d'ailleurs pourquoi on remarquera qu'elle est littéralement traversée par 3 grosses agrafes métalliques, visibles essentiellement de l'extérieur, qui permettent à la protection d'être maintenue dans sa housse.
Par ailleurs, contrairement à ce que la housse laisse présumer, la base de cette plaque d'acier n'est pas arrondie mais plate aux angles obliques.


               B) Cuirasse pare-balles Daigre du 2nd type.




De forme similaire, bien que de taille moins importante, ce nouveau modèle de cuirasse dispose d'une housse retaillée permettant ainsi d'admirer les courbes de celle-ci à savoir la base horizontale à angles obliques.

Par ailleurs, cette nouvelle version de la protection Daigre, tout comme pour le modèle Louppe, délaisse l'utilisation du brelage spécifique. Ce dernier laisse dorénavant place à deux courroies rivetées à l'intérieur même de la housse. Celle du haut, à boucle et donc réglable, est à adapter autour du cou tandis que la large ceinture du bas qui s'adapte de manière différente est à passer autour de la taille afin que soit plaquée au mieux au corps la cuirasse.

De plus, contrairement au modèle Louppe du second type, il n'est plus question d'abandon du système permettant le port de la protection en tant que bouclier portatif. En effet, deux passants toujours rivetés ( dont l'un d'eux est réglable ) permettent le passage du bras.

Pour finir, il est utile de mentionner que sur l'exemplaire analysé daté de 1917, des marquages à l'encre noire sont cette fois-ci apposés sur l'avant de la housse. Ces derniers font sans doute référence comme à l'habitude à la taille du modèle.



IV - LA CUIRASSE ADRIAN


Cette cuirasse qui se décline en 3 modèles est sans doute la moins courante; elle a pourtant été conçue par un célèbre Général, Louis Adrian, à qui l'on doit notamment le célèbre casque d'acier portant son nom. Il est difficile de définir le nombre exact de protections de ce genre produites mais il semblerait qu'une estimation de 100 000 pièces environ soit avancée.

Il y a de fortes présomptions que la résistance au feu de la cuirasse Adrian soit faible même si je n'ai pu consulter de document officiel traitant d'essais réalisés. En effet, il n'y a qu'à observer le peu d'exemplaires de plaque ventrale découvert sur le terrain pour se faire une idée, certains étant truffés littéralement de trous ! Il ne faut pas oublier que cette protection est faite de tôle, il n'est donc pas étonnant également que ce protège abdomen soit considéré comme rare et souvent dans un triste état de conservation lors de sa trouvaille.


               A) La cuirasse Adrian du 1er type.

C'est en Décembre 1915 que fut élaboré le premier modèle de protection Adrian qui semble être resté cependant au stade de prototype puisque jugé encombrant et bien trop lourd. En effet, ce dernier se compose d'épaulières rattachées à un plastron fait de métal, le tout complété par un protège abdominal auquel sont adjointes des tassettes, c'est dire le poids que devait supporter le soldat qui en était muni comme on a pu le dire, sans parler des difficultés de mouvements auxquels ce dernier était confronté.



Soldat muni d'une cuirasse Adrian du 1er type ainsi que d'un protège bras
( protection qui sera traitée plus bas )



               B) La cuirasse Adrian du 2nd type.

Il faudra attendre l'automne 1916 pour voir le projet réellement aboutir. Ne seront ainsi retenues que la ceinture abdominale et les tassettes.
Ce modèle se compose donc d'une plaque dont la forme incurvée lui permet d'être positionnée autour de l'abdomen du porteur. Cette dernière se compose de deux fines couches de tôle d'acier dont les rebords sont repliés ( cette superposition apportant une résistance accrue ). Trois autres parties métalliques de taille équivalente qui portent le nom de "tablier" sont rattachées à cette plaque centrale grâce à un morceau de cuir tout simplement cousu.


D'un poids de plus de 2 kilos, cette protection est recouverte de drap bleu horizon voir de toile enduite et est munie sur l'avant de deux crochets soudés permettant la suspension de cette dernière au ceinturon.
Par ailleurs, pour en faciliter le port, on retrouve sur le haut de la plaque deux autres attaches métalliques mobiles également soudées dont le but n'est autre que le maintien d'une courroie réglable de 3cm de large réalisée en tissu dont les extrémités se terminent par un morceau de cuir fauve rattaché à l'aide d'agrafes.
Ainsi, pour être portée, le soldat devra positionner cette dernière par-dessus son épaule droite et la faire passer derrière au niveau gauche, une sorte de port en bandoulière si l'on veut. La plaque ne devra pas trop comprimer le ventre du porteur et être bien positionnée dans l'axe de son corps, ni trop à gauche, ni trop à droite.

A savoir que cette cuirasse abdominale Adrian existe en trois tailles. Ainsi à l'intérieur de la plaque on retrouve tamponnée en noir l'une de ces initiales: G ( gros ), M ( moyen ), P ( petit ).



2 cuirasses Adrian du deuxième type provenant pour l'exemplaire de gauche, du musée de Meaux, et de Montpellier pour celle de droite.



Ce modèle de protection a essentiellement pour but de protéger la partie abdominale du soldat; son port ayant ainsi pour objectif d'éviter entre autres des blessures liées à l'arme blanche, lors notamment d'un combat au corps à corps où l'usage d'une baïonnette peut être fait. En outre, le tablier dont est munie cette cuirasse renforce encore un peu plus son pouvoir protecteur en couvrant l'avant mais également le flanc du soldat dont notamment le haut de ses cuisses ainsi que son bassin. Ces tassettes peuvent donc apparaître dès lors comme utile dans un franchissement de réseaux de barbelés, le porteur ne s'accrochant pas ainsi dans ce véritable mur qui peut parfois s'avérer être un piège mortel et qui jonchent le sol sur des centaines de kilomètres.


Fantassin français posant fièrement à côté d'une multitude d'engins nouvellement touchés par son unité
dont une cuirasse Adrian du 2nd type qui semble lui aller à merveille.


               C) La cuirasse Adrian du 3ème type.



La cuirasse Adrian du second type, bien qu'innovante, va très vite révéler sur le terrain ses défauts et donc être remplacée. En effet, son poids tout comme l'encombrement du à son tablier se révèle être pour les soldats qui en sont équipés comme très gênants ( on n'ose imaginer pour le premier modèle )! Il faut dire que le déplacement de son porteur est très limité puisque que les plaques annexes dont elle est composée sont mobiles.
C'est donc sans aucun doute ces problèmes soulevés qui fit que la cuirasse Adrian fut démunie de ses tassettes, permettant au poids de la protection de tomber à 1.5kg environ et rendant dès lors plus libre le mouvement du porteur.



Exemplaire recouvert de drap bleu horizon présenté dans un musée de Montpellier.


Par ailleurs avec le temps, les deux crochets soudés sur l'avant de la plaque afin que celle-ci repose sur le ceinturon du soldat seront supprimées, tout comme d'ailleurs la toile dont elle est enduite. On vit ainsi apparaître à la place de cette enveloppe, une housse sous forme de ceinture réalisée en flanelle de couleur bleue horizon, disposant d'ouvertures permettant d'y loger les extrémités de la cuirasse afin que cette dernière soit recouverte. Pour finir, des lanières de couleur blanche ont pour but que soit maintenue au mieux au corps du soldat cette protection.



Exemplaire de grande taille d'une cuirasse Adrian de fabrication tardive.
On notera notamment l'absence de crochets ainsi que de l'enveloppe de cette dernière.



Ceinture annexe en drap BH pour protection Adrian.




V - LES EPAULETTES PROTECTRICES ADRIAN



Epaulettes protectrices élaborées par le Général Adrian.


Ce type de protection ressemble étrangement à l'un des éléments clefs du premier modèle de la cuirasse Adrian qui avait été élaborée fin 1915 par le Général du même nom, mais dont le projet n'avait pas vraiment abouti.
En effet, l'idée qu'un soldat puisse être protégé sur une large partie au-dessus des épaules, des balles et éclats divers comme les shrapnells ou encore les fléchettes larguées d'avions, était des plus séduisantes et c'est ainsi que fut décidé que soit utilisé indépendamment cet équipement. Par ailleurs, outre sa capacité de protection, ce matériel avait pour but de mieux répartir le poids des différents effets emportés sur les épaules.


Soldat français du 82ème Régiment d'infanterie équipé d'une telle protection.


Les épaulettes protectrices, c'est leur nom, sont constituées par une série de 8 lames réalisées en tôle d'acier recouvertes de chutes de drap d'uniforme ( bleu horizon pour l'extérieur et gris de fer bleuté voire garance pour la face intérieure ) doublées de toile et surmontées d'une sorte de boudin. Ce profil particulier permet ainsi sur photographie d'époque d'identifier à coup sûr cette protection qu'est l'épaulière Adrian et qui a complété, à cette période de la guerre, encore un peu plus le panel des nombreuses "innovations" déjà importantes qu'ont pu connaître les poilus.

Ces épaulettes protectrices étaient directement cousues à même l'uniforme du soldat, voire dans certains cas, fixées aux épaules à l'aide de 3 boutons ( 1 à l'avant, 2 à l'arrière ) cousus sur la capote comme en atteste la publicité d'époque du fabricant.



Une première commande de 700 exemplaires fut livrée au front dans la région fortifiée de Verdun en Octobre 1915 pour finir par atteindre un total de près de 200 000 épaulettes protectrices pour la durée totale de la guerre.

A savoir que de nombreuses copies inondent le marché depuis bien longtemps, dont certaines avec des tampons blancs à l'intérieur faisant référence à un "dépôt d'infanterie" de 1915, méfiance donc !



VI - LE PROTEGE BRAS



2 vues d'un soldat français équipé du fameux protège bras ainsi que d'une cuirasse Adrian du premier type.


Ce protège dont on entend rarement parler pèse une dizaine de kilos. D’une taille de 53cm par 40 environ, ce dernier est réalisé en fonte et se fixe à l’avant-bras du porteur à l’aide de sangles en cuir rivetées fixées au bouclier par des pontets. Le soldat en étant équipé devait le tenir à hauteur de son visage et de son torse afin de dévier les différents projectiles lui étant destinés.
On imagine très bien que, comme les autres pare-balles, ce bouclier d’assaut pouvait être utilisé en position allongée; s’apparentant ainsi pour le soldat comme un bouclier individuel de parapet.





VII - LE BOUCLIER DU SOLDAT




Ce pare-balles, si l'on peut le définir comme tel, apparait comme assez léger puisqu'il n'est réalisé qu'autrement que par l'utilisation de papier journal! En effet, des exemplaires du journal "Le Moniteur du Puy-de-Dôme" ( publication qui disparaitra dans les années 60 ), datant notamment de Novembre 1914, sont positionnés dans deux sachets également réalisés en papier et jouant le rôle de plastrons, le tout fermé grâce à des agrafes. Ces derniers sont par ailleurs rattachés entre eux par deux bandes de tissu blanc à rayures rouges permettant le positionnement de ce protège sur les épaules.
En outre, sur l'avant de celui-ci est collée au centre une étiquette papier rapportant de multiples informations en rapport avec le fabricant et sa distribution sur le front, mais pas seulement puisque cette dernière appelle tout porteur qui aurait survécu à un tir de projectiles grâce à ce bouclier à prendre attache avec la Directrice de l'atelier de production ( Mme Meya ), voir un conseiller municipal issu de la famille de l'inventeur ( Mr Alfred Dumothier, directeur d'agence et conseiller municipal du 15 Mai 1912 au mois de Décembre 1919 ).
Bien évidemment, il est plutôt difficile d'imaginer que ce type de cuirasse ait pu à un moment donné sauver un soldat pris sous le feu des balles ou dans un bombardement mais il est vrai que la superposition importante de plusieurs couches, même de papier journal, devait tout de même jouer un rôle, dont il est malgré tout difficile d'en établir le niveau, dans l'atténuation de la pénétration d'une balle ou d'éclats divers. Ce qui est certain néanmoins, c'est que ce protège devait trouver toute son utilité face au froid et à l'humidité et pourquoi pas, face aux coups de baïonnettes portés en direction du plastron du porteur !

Dénommé Bouclier du soldat, ce modèle a été inventé par une femme, Mademoiselle Pauline Dumothier, professeur de chant à Autun ( département de Saône-et-Loire en Bourgogne ) et fut fabriqué à 200km de là dans un petit atelier de la commune de Clermont-Ferrand ( département du Puy-de-Dôme en Auvergne ) dirigé par Madame Meya qui n'est autre qu'une couturière de la ville.
De nombreux exemplaires de cette protection furent offerts à titre gracieux par les Dames de l'œuvres du Bouclier ( c'est comme cela que ces ouvrières se dénommaient ) aux soldats du 13e Corps rattaché à la Ière Armée lors de la mobilisation en 1914. Ceci n'est pas étonnant puisque ces hommes sont pour la plupart des Auvergnats issus de régiments très divers comme entre autres ceux d'infanterie, d'artillerie, de chasseurs, du génie, etc…

Ainsi pour finir, nous pouvons donc dire que ce plastron-bouclier est l'exemple type et illustre bien la volonté des gens à cette époque de contribuer à leur manière à l'effort de guerre qui est demandé par le pays et dont les fils ont été envoyés loin de leur contrée au combat !










Sources:
- Journal "l'Humanité" du 26 Août 1905
- Journal "Le Stéphanois" de Novembre 1911
- Revue "Pages de gloire" - Janvier 1915
- Description et mode d'emploi de la Cuirasse Adrian édités par l'Armée Française
- Casques et armures dans la guerre moderne par Bashford Dean - University of Toronto ( Canada ) / Yale University Press 1920
- Tome 2 de l'ouvrage "L'Armée française" de Laurent Mirouze
- 1914-1918 La Protection individuelle du combattant par Patrice Delhomme - La Gazette des uniformes

Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Dany Klein
- Jérémie Raussin
- Claude Balmeefrezol ( Club AMM / www.maquetland.com )
- Alain Fouillade
- Eric Baradon
- David Kittler
- Michel Timperman
- Gwendal Flament
- Christophe Dutrône
- Alain Gourdis
- Jean-Paul Wilmart ( Belgique )



Vous avez une question, besoin d'un simple renseignement, n'hésitez plus ! Contactez-nous par mail sur HB_et_Cie@laposte.net