Pierre Lucien Dufourcq-Lagelousse



Pierre Lucien photographié dans un studio à Alger en Décembre 1914 avant son départ pour le front.



C'est à Paris, le 28 Juillet 1894, que le petit DUFOURCQ-LAGELOUSSE Pierre Lucien vit le jour. Ce bébé de 3.050kg à la naissance devint au fil des années un jeune homme plein d'entrain et c'est sans aucun doute le jour de la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France, le 3 Août 1914, que sa vie bascula. En effet, de la classe 1914, ce jeune parisien fut appelé sous les drapeaux pour servir son pays par le bureau de recrutement du 8ème arrondissement, subdivision de la Seine.
Il lui faudra alors attendre début Septembre, plus précisément le 5, pour être incorporé au sein du 6ème Régiment de Tirailleurs Algériens, basé à Tlemcen ( commune située au Nord-Ouest dans ce pays du Maghreb ). Arrivé au corps le 11 Septembre 1914, c'est en tant que soldat de 2ème classe qu'il fut formé au sein de cette unité.



Ensemble de plaques d'identité de ce poilu.


Très à l'aise dans sa nouvelle tenue, l'uniforme, Pierre Lucien ne va cesser de gravir les échelons durant toute la durée de la guerre et c'est ainsi qu'il fut nommé Caporal dès le mois de Novembre 1914 alors que depuis début Octobre, il sert dorénavant au 2ème Régiment de Zouaves à Oran.

Le mois d'Avril 1915 marque sa nomination de Sergent avec brevet de chef de section tandis qu'en Mai, il part pour le front d'Orient et passe alors au 2ème Régiment de Marche d'Afrique ( 2ème R.M.A ), à la 10ème compagnie. A savoir que ce régiment est composé d'un bataillon de Légionnaires et de 2 bataillons de Zouaves; ces derniers provenant des dépôts du 3ème Régiment de Zouaves basés en Algérie à Batna et Constantine, c'est donc ici le cas de notre poilu.
Dès lors, va s'en suivre pour lui la terrible campagne des Dardanelles avec la mythique bataille de Gallipoli mais également la campagne de Serbie en Macédoine Orientale.

Il lui faudra attendre l'année 1916 pour connaître un peu de répit puisqu'il fut détaché au fameux Centre d'élèves aspirants de Saint-Cyr à Paris, ce qui lui permit d'être nommé à ce grade le 5 Septembre 1916 avant de rentrer au régiment et d'incorporer dès à présent la 5ème compagnie.


Ensemble de coiffures lui ayant appartenu.
On y retrouve son casque Adrian avec l'insigne spécifique au croissant ainsi que sa chéchia.


Son retour auprès de ses camarades ne fut pas de tout repos puisque Pierre Lucien participa cette fois-ci à la campagne de Macédoine Occidentale, et notamment à la dure attaque sur le Peristeri ( municipalité de la banlieue ouest d'Athènes en Grèce ), alors qu'en ce début d'année 1917 la neige a fait son apparition. C'est en ces lieux, le 18 Mai 1917, qu'il dut être évacué vers un hôpital de Salonique pour cause de "pieds gelés".
Par ailleurs, c'est durant cette même année, après avoir suivi par volontariat un cours de perfectionnement en tant que Chef de section, qu'il fut reversé le 1er Novembre 1917 au 1er Régiment de Marche d'Afrique ( 1er R.M.A. ) dans un bataillon de Zouaves en provenance directe de Tunisie, et plus précisément du dépôt du 4ème Régiment de Zouaves. C'est au sein de cette nouvelle unité que sa manière de servir lui valut d'être nommé, le 5 Novembre, Sous-Lieutenant à titre temporaire.



Pattes de col de ses uniformes dont le peu courant modèle troupe, couleur jonquille et à chiffre et passepoils écarlates,
tel que ce fut réglementaire dans les zouaves de Décembre 1914 au mois d'Avril 1915.


Durant toute la durée de la guerre, ce poilu écrivit au jour le jour son ressenti vis-à-vis de ce conflit. Ce sont ainsi plus de 2000 lettres qui furent adressées à ses parents mais également à son frère alors infirmier au Maroc.
Portant une inestimable attache à ses souvenirs, Lucien réunit après-guerre cette montagne d'écrits mais également près de 1000 photographies d'époque de cette guerre dans 3 valises qu'il conserva précieusement jusqu'à sa mort.



Ensemble de courriers, lettres, et photos parmi tant d'autres.


Un brin conservateur comme on a pu le voir, ce soldat avait en plus l'âme d'un collectionneur! En effet, durant toute sa campagne d'Orient, il entassa une multitude d'objets récupérés sur le champ de batailles et c'est ainsi qu'à la fin de la guerre, il put revenir du front "les bras chargés de cadeaux". Ce sont donc 2 cantines comme celle-ci-dessous qu'il a remplies de matériel pris à l'ennemi mais pas seulement, puisqu'on y retrouve des objets lui ayant appartenu.



L'une de ces deux cantines remplie de souvenirs.



De véritables trésors à l'intérieur …


Pierre Lucien avait une manière de servir qui semble tout à fait exemplaire au vu des dires inscrits dans une Note sur une demande d'enquête aux fins de citation. En effet, dans cette dernière il y est dit :
"Excellent chef de section, ayant une haute conception du devoir militaire, toujours volontaire dans les circonstances les plus difficiles. En Orient depuis Mai 1915, a donné des preuves répétées de bravoure et de sang-froid, tant aux Dardanelles qu'en Macédoine Orientale et dans la région de Monastir".

Ce petit résumé en dit long sur notre homme et c'est sans doute cette attitude digne d'éloges qui lui permit de rester en vie durant toute la durée du conflit alors qu'il se trouvait loin de chez lui dans des conditions que très peu de métropolitains auraient pu supporter.
Les batailles auxquelles il participa ne manquent pas et c'est en ces terres méconnues qu'il risqua sa vie à maintes reprises afin de servir sa patrie et défendre des valeurs qui lui étaient chères !

Dans cette même note évoquée plus haut, les principaux faits de guerre de Pierre Lucien sont explicitement décrits. En voici donc la retranscription de deux d'entre eux :
"Belle conduite pendant toute la campagne des Dardanelles. A l'offensive du 12 Juillet 1915 s'est emparé, avec deux grenadiers, d'un élément de tranchée turque."



Boucle de ceinturon d'un soldat Turc récupérée par Pierre Lucien sur l'ennemi.


"A Kosturino ( Bulgarie ), une section entière et une moitié de sa section ayant été presque enveloppées par l'attaque de 4 à 500 Bulgares et son chef de section ayant disparu dans cette action, n'a pas hésité à se lancer avec sa demi-section dans une contre-attaque. Aidé de renforts, a contribué à mettre les ennemis en déroute."


A la signature de l'Armistice le 11 Novembre 1918, Pierre Lucien poursuivit sa carrière de militaire en ces lieux où il passa près de 4 années. Son rapatriement ne commença que le 6 Février 1919 et il lui faudra attendre le 27 Mai pour enfin retourner en France et retrouver sa terre natale qui l'a vu naître, Paris !
A la sortie de la 1ère guerre mondiale, il fut Officier du chiffre ( il est d'ailleurs l'un des concepteurs du chiffre français ) et c'est en 1940 qu'il sera nommé Capitaine à l'Etat-Major de la première région militaire. Sa carrière au sein de l'Armée prit fin à la signature de l'Armistice de la seconde guerre mondiale et c'est dans le commerce qu'il se reconvertit professionnellement à sa démobilisation.

Pierre Lucien s'est éteint à l'âge de 80 ans à Paris, le 5 Janvier 1975, et se trouve inhumé au cimetière de Montrouge dans le 14ème arrondissement de cette même ville.



Casque Adrian modèle 1926 ayant appartenu à Pierre Lucien lorsqu'il fut Capitaine.











Remerciements tout particulier à Gilles Cabanes, auteur de cette découverte en 2011, ainsi qu'à la famille du défunt.



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