Soldats du I.R. 13 dans une tranchée de première ligne.
On notera la présence de différentes grenades dont une oeuf lisse sur la droite.
De ce fait, cette grenade "miniature" va être produite à grande échelle, c'est pourquoi une étude complète est intéressante afin d'en présenter les différentes variantes et les nombreux allumeurs qui l'équipent, sans oublier les accessoires, etc...
I - LA EIERHANDGRANATE, une grenade oeuf
Il n'est pas compliqué de comprendre d'où découle l'appellation réglementaire de cette grenade, sa forme ne laissant en effet guère de doutes. Peinte en noir ( brillant ), cette grenade d'environ 6cm de long pour 4.6 de diamètre pèse 318g dont 32 d'un mélange de poudre noire additionnée à du nitrate de baryte et à de l'aluminium. Cet explosif est défini par les allemands comme de la poudre K mélangée ( Füllung Mischpulver K ).
Deux modèles biens distincts vont voir le jour sans oublier les éternels exemplaires destinés à l'instruction, nous allons donc en décrire les caractéristiques dans les paragraphes ci-dessous.
A savoir que la grenade œuf fut utilisée par de nombreux alliés de l'Allemagne. Ainsi, l'Armée Austro-Hongroise ou encore la Bulgarie en fit usage.
Soldats bulgares munis de grenades dont des Eierhandgranaten.
Ce modèle que l'on peut définir comme alter Art ( d'ancienne fabrication ) va être rapidement remplacé, au cours de son année d'adoption, par un nouveau modèle quelque peu différent.
Il est important de préciser qu'il arrive de rencontrer parfois de légères traces de ponçage au centre de la grenade ( caractéristiques déjà observées sur des grenades œufs lisses découvertes en étang ), cela ne veut de ce fait pas forcément dire qu'il s'agit d'un modèle à crénelage transformé par les faussaires pour être vendu plus cher, même si il faut bien entendu se méfier !
B) Le modèle le plus courant :
Ainsi, ce nouveau projectile peut porter la dénomination de "Eihandgranate neuer Art schwarzes ei mit greifring" dont il n'est je pense pas nécessaire d'en donner la traduction.
Par ailleurs, contrairement au modèle précédent, il est possible de retrouver au cul de ces grenades des marquages faisant sans doute référence au moule employé par l'une des nombreuses fonderies fabriquant ces munitions. Ainsi, on recense plus d'une trentaine de marques composées de lettres parfois additionnées à des chiffres. Il arrive même parfois de rencontrer, bien que ce soit bien moins courant, un marquage de ce type frappé au sommet même de la grenade.
En outre, il faut savoir que cette grenade fut adoptée par l'Armée Yougoslave et donc produite également par celle-ci. Ces modèles sont la copie conforme des Eierhandgranaten allemandes et disposent donc de marquages au cul qui sont cependant bien souvent, ou tout du moins dans des proportions bien plus importantes que pour celles produites par l'Armée Impériale, complétés par des estampilles au niveau du sommet.
Pour la mise à feu de sa grenade, l'Armée Yougoslave équipa cette dernière d'un allumeur à percussion de taille plus imposante que ceux produits par l'Allemagne. De sa propre invention, ce dernier est réalisé en laiton et dispose d'un bouchon de protection vissé afin d'écarter tout incident durant le transport des munitions qui en sont coiffées. A savoir que ce bouchon peut également disposer de marquages.
Deux grandes familles de grenades sont à différencier, le modèle de manipulation, ainsi que le modèle d'exercice, même si tous deux arborent une couleur rouge.
Le premier est un modèle tout à fait semblable à l'original. Il est fourni au soldat dans sa première phase de formation afin que ce dernier puisse se familiariser avec cet engin qui peut lui apparaître comme nouveau s'il n'est pas militaire de carrière. Ainsi, il lui permettra entre autres de s'essayer dans des premiers lancers tout à fait basiques.
Le second modèle est une grenade oeuf qui renferme une charge fumigène et qui dispose de 3 orifices à sa base. Son rôle est identique aux grenades à manche d'exercice que l'on connait et consiste à sensibiliser l'élève sur ce que peut représenter la durée du retard d'un véritable allumeur, lui permettant dès lors de mieux se rendre compte à quel moment la grenade risque d'exploser en situation réelle. Ainsi, lorsque le soldat actionnera la dite grenade, une légère fumée s'échappant des différents évents lui permettra d'analyser la trajectoire de cette dernière dans les airs lors de son lancer. De plus, l'élève tout comme son instructeur pourront apercevoir le point de chute du projectile et ce grâce à l'épais nuage de fumée provoqué par le dépotage de la charge.
Photo souvenir pour ces hommes ayant intégré cette école de formation au lancer de grenades.
II - LES DIFFERENTS ALLUMEURS
Soldat se préparant à lancer sa grenade oeuf sur les positions ennemies.
On notera que la fumée qui s'échappe est due au fonctionnement de l'allumeur.
Dans un premier temps, le filetage de cette grenade étant d'un diamètre identique à la Kugelhandgranate ( soit grenade boule ), la Eierhandgranate fut employée avec l'allumeur en alliage de zinc de cette grenade pour plus tard être utilisée avec une multitude d'autres modèles fabriqués exclusivement pour elle-même .
A savoir que ces allumeurs ( Brennzünder ) étaient tous montés avec une rondelle de cuir et ce afin que le chargement explosif de la grenade ne soit en contact avec une quelconque humidité qui pourrait entrainer un défaut de fonctionnement lors de l'utilisation de cette dernière.
A) L'allumeur modèle 1915 :
Réalisé en alliage de zinc ( un ersatz en quelque sorte ), cet allumeur se décline en deux variantes, l'une avec un retard de 8 secondes, l'autre de 5 repérable par sa taille moins importante.
A noter qu'il est plutôt difficile de se tromper puisqu'une étiquette paraffinée collée sur le pourtour de la partie haute de l'allumeur renseigne sur le temps de ce retard et est de couleur rouge pour le plus faible! A savoir que cette dernière recouvre l'évent de l'allumeur par où s'échapperont gaz et fumée lors de son emploi.
Pour faciliter le montage et démontage de cet allumeur sur la Eierhandgranate ( peu pratique à effectuer à la main ), fut mise au point une clef spéciale appelée Schlüssel dont la forme particulière permet de ne pas se tromper dans une identification. Il faut savoir que comme pour tout, des variantes existent. Ainsi on retrouve des clefs plus ou moins longues avec un écartement des "dents" plus ou moins important.
De forme bien particulière, cet allumeur réalisé essentiellement en acier est muni en sa partie basse d'un tube "détonateur" de même matière renfermant le retard et, en sa partie supérieure, d'un manchon en laiton, tous deux vissés. On retrouve au sommet de ce dernier une tête en forme de champignon incurvé à laquelle sont rattachés par l'intermédiaire de ce que l'on pourrait appeler une rampe hélicoïdale, une bille ainsi qu'un marteau.
Très bien pensé, le ressort du percuteur dont dispose ce modèle est au repos et ce jusqu'au moment de l'utilisation ce qui écarte tous types d'incidents plausibles et fait que l'Armée ait accepté d'adopter celui-ci d'autant plus que pour être actionné, une manipulation peu ordinaire est à effectuer. En effet, outre une traction, une rotation de la tête doit être faite au préalable. Ainsi lorsque l'on tire en tournant le bouchon de tête, le marteau est entrainé, ce qui comprime alors le ressort. Dès lors, il ne restera alors plus qu'à "attendre" que l'expulsion de la bille se fasse pour que le mécanisme entre dans sa phase terminale et libère ainsi le marteau provoquant dès lors l'inflammation de l'amorce et donc l'éclatement du retard et le fonctionnement de la grenade.
Par ailleurs, il est intéressant de spécifier que sur l'une des faces du corps de l'allumeur se retrouve estampillée à froid la date de production de ce dernier ( année surmontée de ce qui semble être le jour et le mois ) tandis que sur le sommet du champignon est marqué en relief le temps du retard ( à savoir 5 Sek. ) ainsi que ce qui doit être le code fabricant ( E.S.S. ).
Trop complexe à produire, l'allumeur modèle 1916 d'un retard de 5 secondes fut abandonné dès le début de l'année 1917 avec l'apparition d'un nouveau modèle, il peut donc être défini comme rare.
A savoir que les fabrications tardives de cette année sont reconnaissables par l'emploi d'acier et non plus de laiton pour le tube supérieur ( raréfaction de certains matériaux ) et par la suppression du creux au-dessus de la tête.
C) L'allumeur modèle 1917 :
De même que pour l'allumeur modèle 1915, une clef spécifique était employée pour monter et dévisser l'allumeur de la grenade œuf. Ce dernier étant différent dans sa conception, une nouvelle forme fut donnée à cet accessoire bien particulier qui dès lors sera d'une taille légèrement plus importante même si sa forme reste essentiellement identique.
E) L'utilisation de ces allumeurs :
Soldats allemands en formation manipulant des grenades dont des oeufs avec la fameuse plaque de poitrine.
De forme carrée, cette dernière était maintenue au coup du porteur à l'aide d'une courroie réglable fixée à chaque extrémité sur l'un des deux orifices qui l'ornent aux angles sur tout son pourtour, ceci permettant que la plaque puisse être utilisée aussi bien par les droitiers que les gauchers. Du côté opposé, ce sont deux lanières qui sont rattachées à la plaque de la même façon mais qui permettront cette fois-ci au soldat d'effectuer une pression avec ses doigts ou, tout simplement, de la fixer au ceinturon afin de plaquer et stabiliser au maximum celle-ci lorsque de l'autre main est effectué l'arrachage du cordeau tire-feu de l'allumeur.
Vue d'un tel bricolage équipant Ernest Jünger du F.R. 73 en 1917 du côté de Regniéville.
III - LE CONDITIONNEMENT
Soldats sur le front des Vosges se préparant à faire usage de grenades oeufs et à manche.
A) Les bouchons de transport :
La forme de ces bouchons n'est pas innocente puisque comme on a pu le voir plus haut, une clef qui se présente sous différentes variantes permet le montage et démontage de ces derniers tout comme celui des allumeurs.
A savoir qu'il existe une fabrication simplifiée de ce modèle sans usinage de l'imposante rainure du dessus.
Par ailleurs, bien que beaucoup moins courant, un second modèle de bouchon de transport fut mis au point durant le conflit. Celui-ci dispose d'une base circulaire assez fine surmontée d'une tête carrée sur laquelle pouvaient être également estampillés divers marquages.
A savoir que je n'ai pu observer que des conditionnements pour allumeurs à retard de 5 secondes, il faut donc croire que ces derniers étaient bien plus utilisés et finirent par remplacer le modèle à 8 secondes.
Le premier est donc une boite cartonnée de forme carrée renfermant 10 allumeurs. Son couvercle dispose de deux étiquettes. L'une d'elle, de couleur rouge, est de forme rectangulaire et nous fournit des indications concernant les conditions d'utilisation de ce modèle-ci d'allumeur à savoir, effectuer un geste vif pour l'arrachage du rugueux et non de faible intensité, ce qui pourrait entrainer un défaut de fonctionnement ( Zünder mit scharfem Ruck abziehen, langsames Abziehen ergibt leïcht Versager ). Sous cette dernière, on retrouve une autre étiquette de forme carrée et de largeur identique renseignant sur le contenu mais également le fabricant. On peut ainsi y lire 10 Stück Brennzünder für Kugelhandgranaten suivi d'une mention en rouge indiquant les secondes, pour enfin observer le fabricant, la ville d'emplacement ainsi que la date de production.
A l'intérieur, on retrouve à la base de la boite un système cartonné à section rectangulaire permettant le maintien des allumeurs en place, le principe étant de recouvrir un allumeur sur deux. A savoir qu'outre ce type de support, on rencontre également un système métallique à griffes !
C) Les caisses pour grenades :
Caisse de grenade oeuf positionnée dans une tranchée de première ligne allemande.
Le conditionnement des grenades œufs se faisait par 50 unités dans une caisse en bois spécifique munie d'un couvercle. Comme pour toutes caisses, de nombreux marquages à la peinture noire étaient apposés. Ainsi, on retrouve à l'arrière de cette dernière une mention nous indiquant qu'il est impératif de ne pas se débarrasser de celle-ci une fois vide mais de la renvoyer afin qu'elle soit réutilisée ( Leer zurück zur Kistenaufarbeitungesstelle = "A retourner vide à la centrale de traitement des caisses au pays" ); pas question à cette époque cruciale du conflit de gaspiller! En outre, est présente sur le devant de la caisse l'éternelle inscription sous forme de croix qui reprend le code fabricant, la date et le lieu de production ainsi qu'un numéro de série. Pour finir, sur l'extérieur du couvercle est notifié au centre, en gros et en toutes lettres, le type de grenades renfermées ainsi que leur nombre ( 50 Eier Handgranaten ), tandis que sont indiquées perpendiculairement sur les extrémités des mentions rappelant aux utilisateurs que la caisse doit être impérativement protégée de l'humidité et ne surtout pas être jetée ( Nicht werfen / Vor Kässe zu schützen ) !
Morceau d'un ratelier découvert dans un souterrain.
Soldats allemands posant dans une tranchée où l'on peut apercevoir en arrière plan un ratelier avec grenades.
( à allumeur 5 secondes ).
- > Eihgr < -
Contenu d'une caisse :
MODE D'EMPLOI
I. Mise en service
1. Prendre la grenade dans une main, vis de fermeture vers le haut.
2. Dévisser le bouchon de fermeture à l'aide d'une clé et l'enlever avec son joint. Ne pas tourner la grenade afin de ne pas salir le pas de vis avec la poudre.
3. Introduire, puis visser un allumeur de l'autre main en le tenant par ses ergots jusqu'à ce que celui-ci se trouve juste au-dessus du pas de vis. Serrer fermement à l'aide de la clé jusqu'à ce que les ergots soient en contact avec le corps de la grenade.
II. Transport
1. Dans un sac de transport, un sac à pain, tout autre sac ou dans la poche.
2. Si une plaque de poitrine est présente, passer la bretelle de suspension autour du cou en fonction du porteur : si droitier, l'extrémité de la tige arrache-feu vers la gauche, si gaucher, l'extrémité de la tige arrache-feu vers la droite. Les passants inférieurs de la plaque sont à attacher au ceinturon.
3. La plaque de poitrine doit être portée serrée en l'ajustant le plus près de corps possible.
4. Utiliser le dispositif arrache-feu avec une sangle tenue de la main amorçant la grenade.
III. Lancer de la grenade
1. Arracher le cordeau de traction de l'allumeur.
2. Après la mise à feu, lancer la grenade immédiatement et calmement.
3. Dès la grenade lancée, se mettre à l'abri.
Pour 1. Si la mise à feu se fait au moyen du dispositif arrache-feu ou de la plaque de poitrine :
a) Avec dispositif arrache-feu. S'assurer que le dispositif ne soit pas trop serré pour qu'en cas de défaut (cordeau de traction récalcitrant) le dispositif puisse être ôté rapidement. Le mousqueton doit être passé dans le cordeau de traction de l'allumeur pour que celui-ci puisse être tiré sèchement dans le sens du détonateur.
b) Avec plaque de poitrine arrache-feu. Passer le cordeau de traction dans la tige et tirer la grenade sèchement vers le bas.
4. Toujours tenir la grenade et non l'allumeur lors de la mise à feu, sinon blessure de la main par gaz possible.
IV. Entretien
1. Les caisses dont on aura extrait des grenades sont à protéger contre l'humidité par un stockage adéquat.
2. Les bouchons allumeurs devront être protégés plus particulièrement. Leur efficacité est grandement influencée par l'humidité.
3. Il est absolument interdit de toucher les cordeaux de traction des allumeurs avant utilisation des grenades sous peine de mise à feu prématurée.
4. En cas de stockage de grenades déjà équipées de leurs allumeurs, dévisser ces derniers et replacer les bouchons à vis. Bien serrer ceux-ci afin d'éviter que la poudre ne s'écoule et ne prenne feu.
5. Des bouchons-allumeurs entreposés plus de 5 mois (date sur la boite en tôle) devront être exclusivement réservés pour les exercices.
Bien évidemment, de nombreux fabricants ont participé à la production des grenades œufs et de tout ce qui s'y rattache, il n'est donc pas rare d'observer des différences succinctes d'un exemplaire de caisse à un autre selon la firme de production et l'année de fabrication. Ainsi, le système de poignée mais également l'apposition des marquages peuvent varier.
De plus, il est important de signifier qu'un autre type de caisse bien moins courant a été rencontré. Ce dernier semble avoir spécialement été produit pour des grenades montées avec des allumeurs modèle 1917 comme en atteste le marquage 50 Eierhandgranaten mit Brennzünder 17 sur le dessus.
Sources:
- Notice succincte sur les divers modèles de grenades actuellement en service dans l'armée allemande édité par l'Armée Française - Avril 1918
- Consignes de sécurité à observer dans la manipulation des munitions allemandes - USA 1918.
- Les grenades à main allemandes en 1918 par Anthony C. Medahl - Magazine allemand " Zeitschrift für Heereskunde " N°350/351 Juillet-Octobre 1990
- Les grenades allemandes de la Grande Guerre par Patrice Delhomme
Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Olivier Maigrat
- José Baugeard
- Jérémie Raussin
- René Senteur
- Pascal
- Daniel Ensel
- Joël Huet
- Stéphan Lalisse
- Rémy Risacher
- Toorop
- Mike Welch ( USA )
- Paul Spence ( Angleterre / www.paul-spence1964.com )
- Mike Mondoggy ( USA )
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