Le mortier Mauser



La guerre de tranchées et ses nouveautés ...


Une multitude de mortiers légers firent leur apparition au début du conflit afin de combler le manque de pièces pouvant répondre à des attentes qui ne pouvaient être remplies par l'artillerie en général avec l'arrivée de la guerre dite "de tranchées" à savoir, la destruction de défenses accessoires, notamment l'incroyable mur de réseaux de fils de fer barbelé installé en avant des premières lignes ennemies, ou encore la mort du personnel blotti au fond des tranchées. C'est ainsi que l'artillerie fut dotée d'un tout nouveau Minenwerfer qui a pour originalité d'être élaboré par une firme célèbre, Mauser !

Bien que très ressemblant au mortier Lanz et ce en de nombreux points, il semble ne faire aucun doute que ce Minenwerfer auxiliaire ait été le premier à apparaître sur le front. En effet, outre le fait que sa conception soit de type plus rustique que le Lanz, tout comme ses munitions d'ailleurs, une photo datant de la fin du mois de Novembre 1914 nous présente déjà une équipe d'une Minenwerfer-Bau-Kommando posant fièrement aux côté d'un Minenwerfer Mauser ainsi que de ses projectiles courts.






I - LE MORTIER MAUSER, un Minenwerfer unique ?


               A) Le modèle le plus commun :




D'un calibre de 91.3mm, le Minenwerfer Mauser est construit en tôle d'acier et dispose d'un tube mince à âme lisse dont la partie haute est pourvue d'un large renflement sur lequel est visible un guidon. Sa partie droite dispose par ailleurs d'un renfort métallique tandis que sur le dessus du tube, au niveau inférieur, peut être présente une plaque renseignant sur le fabricant.

Ce type de mortier est monté sur un affût semblable à celui du mortier Lanz dont les 4 pieds sont fixés, par le biais de clavettes, sur deux cornières solidement rattachées à une plateforme aux bords arrondies constituée de 7 madriers. Sur certaines variantes, ces deux cornières sont pourvues à chacune de leurs extrémités de poignées mobiles ainsi qu'en leurs centres, sur leurs faces externes, de plaques fabricants; on rencontre même parfois des modèles d'embase à poignée unique sur l'avant.
La plate-forme est quant à elle très souvent munie d'une caisse pour accessoires ainsi que d'un écouvillon de mortier qui pouvait être maintenu à l'affût grâce à un système à pince, sans oublier le capot de protection de ce dernier.
A savoir que pour faciliter le transport, les pieds du chevalet peuvent être repliés.



Soldat se préparant à déclencher le tir de ce Minenwerfer auxilaire avec son allumette.


Le Minenwerfer Mauser peut être comparé à une version allégée de son confrère puisqu'il pèse, plate-forme comprise, une trentaine de kilos de moins que le Minenwerfer Lanz avec un poids avoisinant les 73kg ( soit 46 kilos pour le mortier lui-même et 27 pour sa plate-forme ).
Cette différence de poids peut s'expliquer comme on a pu le voir par l'adoption d'un tube lisse plus mince mais pas seulement. En effet, une culasse assez rustique comparée à celle de son confrère est employée. Ainsi cette dernière est constituée d'un bloc d'acier cylindrique évidé d'une chambre à poudre et immobilisé par une grosse goupille de 25mm de diamètre. Son retrait s'effectuait de la façon la plus simple qui soit grâce à une poignée assez imposante de forme proche de l'ovale. A savoir qu'une lumière oblique traversait la culasse sur les premiers modèles mais qu'une version plus évoluée, très certainement apparue durant l'année 1916, permettait l'emploi d'une cartouche un peu comme à l'instar du Minenwerfer Lanz et donc l'usage d'un cordon tire-feu.

L'angle de tir de ce mortier peut être mesuré à l'aide d'une alliade analogue au modèle à pendule du Lanz qui se fixe grâce à un système sur le côté gauche du mortier. Cet angle, qui pouvait être compris entre 16 et 34 degrés, est déterminé grâce à un levier situé à l'arrière que l'on peut monter, ou descendre, puis bloquer.


               B) De nombreuses variantes :



Minenwerfer Mauser monté sur une plate-forme similaire au modèle autrichien.


S'agit-il d'une région différente employée dans la fabrication? D'une version plus évoluée? Ce qui est certain, c'est que les nombreuses photos d'époque présentant des mortiers Mauser permettent d'observer d'importantes différences !

Ainsi au niveau du tube, certains mortiers sont entre autres dépourvus du renflement présent au niveau supérieur ainsi que du bras de renfort sur la partie droite. L'affût peut également présenter des variantes sur plusieurs niveaux avec notamment l'ajout de pièces métalliques rendant très certainement celui-ci plus robuste. D'importantes divergences sont également observées au niveau de la plate-forme qui parfois se présente sous une version très simplifiée à la limite de la construction de terrain.



II - SES PROJECTILES ET LEUR CONDITIONNEMENT



Le talent de ce photographe a permis de capter dans les Vosges le départ d'un coup lors d'un tir avec un mortier Mauser.


Le Minenwerfer Mauser pouvait vraisemblablement utiliser les projectiles du mortier Lanz même si personnellement, j'émets de gros doutes sur cette hypothèse. En effet, à l'heure actuelle, je n'ai pu observer aucun cliché d'époque présentant l'emploi de ces munitions avec ce type de mortier. Ainsi, pour ma part, ce mortier s'utilisait avec de nombreux projectiles apparus essentiellement durant le courant de l'année 1915, certains de type explosif, d'autres à chargement chimique. A savoir qu'il devait exister une multitude de variantes de ces projectiles comme en attestent les clichés d'époque, c'est pourquoi nous ne traiterons que des modèles principaux !



Soldats dans une tranchée de première ligne dont l'un d'eux s'apprête à charger
son Minenwerfer auxiliaire de type Mauser avec un projectile qui a tout l'air d'un modèle chimique.


Les soldats français n'hésiteront pas à dénommer ces projectiles, au vue de leur forme particulière, "tuyaux de poêle" même si dans une documentation d'époque française on retrouve pluôt le terme de "Grenade de jet"; de nombreux témoignages en faisant d'ailleurs référence. Le grenadier Monod appartenant au 130ème Régiment d'Infanterie de Mayenne dit ainsi dans une lettre en date du 24 Avril 1917 : "Nous venions d'arriver, un camarade et moi, à un petit poste auquel les crapouillateurs germains ne veulent qu'un bien mélangé, quand ceux-ci commencèrent à envoyer quelques tuyaux de poêle. Ce sont des sortes de gros cylindres remplis d'une poudre jaunâtre. Ce genre de torpille s'élève lentement en l'air et éclate en dégageant un épais nuage de fumée opaque avec un fracas infernal d'un effet démoralisant."



Soldat allemand venant d'installer la charge propulsive dans la culasse de ce Minenwerfer Mauser.


Pour l'emploi de l'ensemble de ces munitions, le mortier Mauser faisait usage d'une charge unique constituée d'un sachet de soie renfermant 20 grammes de poudre noire auquel était rattachée une mèche lente. Il y avait cependant la possibilité d'employer une charge d'appoint de 15 grammes supplémentaires qui était repérable visuellement, outre par sa taille, par l'emploi d'une couleur différente du sachet de soie. Ainsi, selon l'angle de tir, le modèle de projectile utilisé mais également le type de charge propulsive employé, la portée pouvait varier de 150 à 270 mètres environ.


               A) Tuyau de poêle petit modèle du 1er type :


Ce projectile mesure 19cm de haut et pèse 1,9kg. Il renferme 1kg de Donarite qui est composée essentiellement de nitrate d'ammonium mais également de trinitrotoluène et de nitroglycérine. On peut également supposer l'emploi d'un explosif identique au modèle utilisé par la munition en fonte du mortier Lanz, à savoir l'Astralit.

Ces engins sont constitués par une enveloppe cylindrique de tôle d'un millimètre d'épaisseur qui est roulée et rivetée. La partie haute est fermée par un épais bloc de bois aux extrémités arrondies qui est surmonté par un bouchon hexagonal en acier. La partie basse, quant à elle, est également obstruée par un tampon de bois à la différence qu'il est pourvu à sa base d'un disque d'acier.
C'est cette partie même qui sera placée tête la première dans le tube du mortier, elle dispose donc d'un système d'allumage composé d'un réceptacle en bois sur lequel est fixée une mèche sertie d'un détonateur.
En guise d'étanchéité et pour éviter tout accident, un joint de cire froide était parfois apposé autour de la fusée.
Par ailleurs, on peut présumer qu'avant de procéder au chargement de l'appareil de lancement, que pouvait être placé au cul de cette munition un chiffon de toile imbibé de suif, de forme circulaire, de 15cm de diamètre et percé d'un trou en son milieu, destiné à, outre servir de garniture étanche, limiter le souffle le long du projectile lors de l'inflammation de la charge propulsive.

A savoir que ce petit modèle de tuyau de poêle fut vraissemblablement le moins employé sur le front.
Par ailleurs, certaines pièces de fouille découvertes permettent d'affirmer l'usage de ce type de munition en tant que grenade à manche de circonstance, un morceau de bois cloué sur un des tampons en faisait ainsi une grenade de fortune !


               B) Tuyau de poêle petit modèle du 2nd type :


Une variante du projectile de 19cm existe et au vu de son profil, il ne fait aucun doute que cette dernière préfigure l'arrivée du modèle plus imposant !
Toujours réalisé en tôle roulée et agrafée avec jointure réalisée au minium ( oxyde de plomb de couleur rouge ), on retrouve tout de même de nettes différences. En effet, bien que sa partie basse reste identique, c'est-à-dire fermée par un tampon de bois ( certes plus épais ) sur lequel est vissée une plaque de fer d'environ 3mm d'épaisseur empêchant ainsi que celui-ci ne soit brisé au moment de la mise à feu, sa partie haute est maintenant obstruée par un tampon de bois incurvé fixé par trois vis.

Tout comme pour son aïeul, la partie basse du projectile dispose d'un bouchon à vis faisant office de dispositif d'amorçage et contenant une amorce de fulminate ainsi qu'un bout de mèche lente.
A savoir qu'il peut être fait l'usage comme on a pu le voir de cire froid mais également de "gutta-percha" ( sorte d'adhésif isolant très utilisé avant l'apparition du polyéthylène en 1933 ) pour empêcher que les gaz produits par la poudre de la charge de lancement ne pénètrent dans la munition et provoquent dès lors un éclatement prématuré de celle-ci. Cette utilisation peut être également répétée sur l'extrémité libre de la mèche lente afin que l'humidité ne puisse y pénétrer.
Par ailleurs, l'emploi d'un chiffon imbibé de suif n'est pas à exclure. En effet, ceci permettant ainsi de renforcer encore un peu plus l'étanchéité du dispositif d'amorçage mais également de limiter la probabilité que le projectile ne soit éjecté de biais à cause des gaz s'échappant de la charge propulsive lors de sa mise à feu.

Cette munition peinte en noir renferme 1kg d'explosif de sureté qui sera composé d'un pétard délicatement placé au milieu du projectile et où les vides seront comblés par le contenu de deux autres pétards bien tassés. Bien évidemment, il est possible de retrouver également l'emploi d'explosifs sous forme cristalline ou en poudre fine pour lesquels il ne faudra pas oublier de placer au préalable un petit bouchon en bois afin de créer un puits pour la future mise en place du dispositif d'amorçage.

Ces projectiles étaient livrés dans d'imposantes caisses cylindriques en tôle renfermant 42 pièces.
Les fusées était livrées quant à elles séparément dans des boites métalliques par 100 tandis que les charges propulsives étaient expédiées dans des boites en tôle contenant 100 charges de 20gr et 25 appoints de 15gr.

A savoir que bien que plus courant et moins primitif que la version du 1er type, ce projectile court fut peu employé et vite remplacé par le modèle de grande taille.



Soldats allemands se préparant aux tirs de grenades et de projectiles courts du 2nd type.


Une photographie d'époque assez connue laisse présumer que ce modèle de petit tuyau de poêle fut employé dans un secteur du front bien précis avec une sorte de catapulte dont le fonctionnement reste plutôt difficile à comprendre. Bien que les 4 projectiles qui équipent cet engin de fortune soient modifiés, il ne fait à mon avis aucun doute que nous ayons à faire à des munitions pour Minenwerfer Mauser.
Il faut savoir que ce dispositif fut également employé avec des grenades tortues ( diskushandgranaten ) comme le montre un autre cliché pris dans cette tranchée.






               C) Tuyau de poêle grand modèle du 1er type :




La photo d'époque ci-dessus permet d'affirmer que le profil du petit tuyau de poêle, dans sa version du 1er type, a bien été repris pour la fabrication d'un modèle plus imposant. En effet, ce cliché ne laisse planer aucun doute puisqu'il présente deux munitions de 37cm environ reprenant à l'identique les caractéristiques du modèle court. On retrouve notamment l'épais bloc de bois surmonté du typique bouchon hexagonal en acier.
Ce modèle de projectile sera cependant très vite abandonné puisque c'est la version ci-dessous qui sera utilisée en masse par l'Armée allemande durant le conflit.


               D) Tuyau de poêle grand modèle du second type :


Naturellement différent dans sa conception puisque d'une hauteur de 37cm, ce projectile peint en noir arbore exactement le même profil que le petit modèle du second type à une différence près: sa partie basse est en effet fermée par un tampon qui est cette fois-ci pourvu d'une rondelle de feutre suiffée débordant de quelques millimètres, mais toujours maintenue en place par une semelle de tôle circulaire fixée par trois vis. Ce petit rajout monté dorénavant en série fait ainsi, comme il a été dit, guise d'étanchéité et limite le souffle de la charge propulsive le long du projectile lors du départ de coup.

Ce nouveau projectile pèse près de 3,35kg dont 2 d'un explosif brisant appelé Donarite. On retrouve donc le même type d'explosif que pour le tout premier modèle, l'éventualité de l'usage d'Astralit n'est ainsi pas à exclure ici également.

Le système d'allumage est également différent puisqu'il est dorénavant composé d'un cylindre de laiton vissé, portant une mèche sertie à son bout d'un détonateur de 2 grammes de fulminate.


Ensemble de bombes de tranchées dont un intéressant projectile pour mortier de 24,5cm
réunissant par un dispositif spécifique 4 tuyaux de poêle du grand modèle.


Durant le transport, le projectile n'est pas muni de sa fusée mais est obturé par une vis munie d'un petit tube de bois permettant la création d'un puits pour la future mise en place du détonateur.

Expédié donc aux armées non amorcé, il est conditionné par 25 dans des caisses cylindriques en tôle.
Les fusées était livrées quant à elles séparément dans des boites métalliques par 100 tandis que les charges propulsives étaient envoyées dans des boites en tôle renfermant 100 charges de 20gr et 25 appoints de 15gr.


               E) Projectile quadrillé :




Etonnant projectile puisqu'il arbore la forme d'un engin pour mortier Lanz à la différence qu'il présente un quadrillage prononcé! Je doute sincèrement qu'il ait pu être utilisé avec le mortier précité puisqu'aucune photo d'époque ne le démontre, la désignation de projectile pour mortier Lanz étant donc à mon avis erronée même si je ne peux l'affirmer !

Réalisé en fonte, il est amorcé par un bouchon porte-retard et on peut supposer clairement que, comme l'ensemble de ses confrères, il était utilisé tête en avant dans le mortier.
Peint en felgrau, son corps dispose de marquages se rapportant très certainement aux moules mais également à la date de fabrication.

Les différents éclats découverts sur le terrain qui ont pu être observés laissent supposer que ce projectile contenait un explosif peu brisant.



Variante d'un minenwerfer Mauser ( on observera les étranges pieds fixes du chevalet )
dans une tranchée employant entre autres des projectiles quadrillés.



               F) Projectile chimique à double bouteille :



D'une hauteur de 39cm, ce projectile peint en gris dispose de parois en tôle de fer épaisse de 1mm et renferme deux bouteilles en verre à chargement fumigène ou incapacitant.

De bas en haut il se présente comme tel à savoir un important tampon de bois maintenu comme à l'habitude par trois vis et disposant en son centre de la fusée à retard comprenant une mèche. Vient ensuite une bouteille de 70mm surmontée d'une plus grosse arborant une taille de 87mm, toutes deux bouchées à l'éméri qui n'est autre qu'une substance minérale. L'ensemble de ces contenants était calé grâce à du sable et renfermait prêt de 2 litres de brome liquide ( l'utilisation de deux liquides incompatibles pouvait également être faite d'où l'emploi de deux flacons différents ). Le goulot de la première était positionné sur une faible charge d'éclatement de poudre noire, elle-même en contact direct avec la fusée. Enfin le projectile se finissait par un couvercle de tôle d'acier soudé à la paroi du projectile lui-même.

Sa disposition interne laisse supposer qu'il s'agit du premier modèle de munition chimique utilisé par le Minenwerfer Mauser et vite remplacé par le modèle à bouteille unique que nous allons traiter ci-dessous.
Comme vous avez pu le comprendre, ce dispositif n'a pas dans l'optique de faire éventrer le projectile, le principe étant simplement de faire sortir la bouteille de verre par le haut afin, qu'une fois arrivée au sol, cette dernière se casse répandant ainsi le liquide volatile aux effets irritants.


               G) Projectile chimique à bouteille unique :



D'une hauteur de 37cm, ce projectile de couleur grise d'apparence quelconque renferme en fait une bouteille de verre très bien usinée chargée de 0,8l en brome liquide, voir d'un fumigène à effets irritants comme le chlorosulfate de méthyle ou encore le bromacétone qui a de fortes tendances, avec les années, à se polymériser en un goudron noir.

Le projectile est intérieurement complexe à décrire mais il se compose de bas en haut d'un disque de feutre surmonté d'une épaisseur importante permettant une obturation maximale du projectile. On retrouve ainsi une plaque d'acier, un disque de fibre ainsi qu'une multitude de rondelles de bois et de fer, le tout solidement assemblé par trois vis. Vient ensuite un espace qui n'est autre que le logement de la poudre sous lequel est disposé un tampon de bois qui, sous la pression, éjectera la bouteille. Celle-ci est calée dans le corps du projectile grâce à du sable et est fermée par un bouchon de verre ajusté au goulot, et très bien isolé, grâce à un joint de plâtre ainsi qu'un léger voile de papier sulfurisé maintenu par une petite cordelette. L'extrémité supérieure du projectile est obturée par un couvercle de tôle emboité, positionné sur une légère épaisseur de paille jouant, tout comme le sable, le rôle de calage.

Le projectile est muni d'un petit bouchon d'acier vissé par lequel la chambre à poudre sera remplie et qu'il faudra remplacer par une fusée à retard identique au modèle explosif.


               H) Projectile chimique B-Stoff premier type :



Durant la guerre, André Kling, directeur du laboratoire central à Paris, analyse bon nombre de substances toxiques et découvre ainsi un produit encore jamais étudié qui compose ce projectile nouvelle génération qui, bien qu'il soit plus rudimentaire que les modèles traités précédemment, semble être bien plus évolué !

Peint en gris, son corps d'une hauteur de 28cm dispose de marquages noirs renseignant sur sa composition "B-Stoff / Hoeachst am Mein". Il renferme donc ce que l'on appelle du bromacétone, près d'un litre et demi d'un liquide rouge-brun produisant des vapeurs hautement irritantes mais également suffocantes pouvant entrainer la mort si l'exposition du sujet est prolongée. Bien que le plus souvent utilisé, on retrouve également l'emploi de produits fumigènes comme la chlorydrine ou encore l'anthydride sulfurique.
Le produit corrosif qui épouse la forme du projectile est renfermé dans un cylindre en plomb pour éviter toute fuite accidentelle.

Le projectile en tôle de fer d'1,5mm environ pèse près de 3,5kg et s'utilise toujours avec une fusée à retard qui se visse sur un orifice fileté. Cette fois-ci, ce dispositif donne directement accès au logement renfermant la charge d'éclatement pouvant être évaluée à une quinzaine de grammes de poudre noire. La partie supérieure du projectile était munie d'un tampon de bois ogival surmonté d'une fine couche de tôle soudée.


               I) Projectile chimique B-Stoff seconde type :



Toujours d'une hauteur de 28cm, ce projectile réalisé en tôle fine d'1,1mm d'épaisseur est doté à sa base d'un tampon composé de disque de bois, rondelle de feutre et de plaque de fer, le tout maintenu en place par un écrou hexagonal.
Ce système, celui de l'accumulation de couches diverses, reprend l'idée du projectile à bouteille unique.

Le chargement est identique au modèle du premier type et est contenu dans un récipient en plomb de 1,2mm d'épaisseur.

La partie supérieure de ce projectile est composée quant à elle d'un couvercle en tôle emboité et soudé présentant en sa partie centrale une excroissance due au bouchon vissé qui obstrue l'ouverture par laquelle s'effectuait le remplissage du récipient.

La fusée utilisée n'est autre qu'un système d'allumage à mèche qui était livré par 11 exemplaires dans une boite en carton aux angles renforcés, elle-même positionnée dans un coffret étanche dont il ne fait aucun doute qu'une étiquette renseignant sur le contenu devait y être collée. Chaque fusée était maintenue en place dans cette dernière grâce à un système de cales cartonnées très semblable à celui que l'on retrouve dans le conditionnement des allumeurs modèle 1913 pour grenades Kugel.
A savoir que lors du transport, le projectile était fermé par une grosse vis.

Par ailleurs, il est bon de noter qu'un projectile découvert sur le terrain semble s'apparenter à une variante de fabrication de ce modèle. Je ne saurais dire si cette production peut être définie comme précoce ou plus tardive mais la différence majeure se situe à la partie supérieure du projectile. En effet, nous ne retrouvons plus de bouchon vissé plein mais simplement un canal de remplissage disposant d'un pas de vis et permettant dès lors d'être fermé grâce à une sorte de gros boulon hexagonal. De ce fait, le couvercle en tôle emboité et soudé n'a pu lieu d'être.




III - SERVITUDE



Servants posant fièrement autour d'un Minenwerfer Mauser dépourvu de sa plate-forme.
On notera leur insigne de manche MW renseignant sur leur spécialité.


Tout comme pour le mortier Lanz, la manœuvre de l'appareil de lancement Mauser nécessite une certaine main d'œuvre. Ainsi, on retrouve un sous-officier, le chef de pièce dont la fonction est de s'occuper du pointage de cette dernière et du bon déroulement de sa mise en batterie. Ce dernier aura sous ses ordres deux hommes qui seront au contact même de l'appareil, auxquels s'ajouteront un à deux soldats employés comme observateur.

Par ailleurs, pour pouvoir utiliser ce mortier, quelques matériaux indispensables sont requis comme un couteau de poche ou encore une boite d'allumettes auxquels s'ajoutera une panoplie de petits équipements nécessaire dans le nettoyage du Minenwerfer.
En effet, un entretien régulier semble être la clef du bon fonctionnement de cette pièce d'artillerie de tranchée et d'une utilisation optimale.
Ainsi, il faudra veiller à nettoyer le tube du mortier avec son écouvillon ( servant par la même occasion de refouloir ) en utilisant de l'huile, du pétrole et de l'étoupe sans oublier la culasse et son canal de lumière que l'on hésitera pas à frotter énergiquement avec du fil de fer.
Ces quelques gestes qui peuvent paraître rébarbatifs ne sont pas à négliger tout comme celui d'utiliser de la cire froide ou encore du "gutta-percha" sur d'éventuels vides qui pourraient exister autour du système d'allumage et ce afin d'éviter des accidents qui pourraient s'avérer désastreux comme un éclatement prématuré du projectile dans la bouche à feu.



Incident de tir qui montre la nécessité absolue de prendre son temps malgré l'environnement hostile dans lequel le soldat se trouve…


C'est pourquoi, avant toute utilisation du mortier Mauser, il apparait comme logique que chaque soldat suive une formation un minimum poussée sur l'emploi de ce Minenwerfer. Il m'est cependant difficile de dire si ce genre de cours était donné en école lors de l'arrivée du soldat au dépôt des recrues, ou si cet enseignement était prodigué sur l'un des nombreux camps d'entrainement improvisés et disposés sur les arrières du front lorsque le soldat était déjà mobilisé.
Ce kursus devait être certainement renseigné sur le livret militaire du soldat sous la mention "Minenwerfer" sans pour autant préciser le modèle puisque jusqu'à maintenant, aucun Militarpass portant l'inscription d'un lanceur auxiliaire comme celui de type Mauser ou Lanz n'a pu être recensé!



Militarpass du pionnier Winsmann de la Minen-Werfer-Kompanie 423
qui a suivi une instruction aux lances-mines de près d'un mois.





IV - UNE ARTILLERIE DE TRANCHEES SIMILAIRE



Novembre 1917 après les combats d'Ortigara durant la bataille des Carpattes,
ces soldats autrichiens posent avec un Minenwerfer et quelques lance-flammes mdl 1915.


Le Minenwerfer Mauser mais également d'autres engins de tranchées ne doivent pas être confondus avec des mortiers similaires employés par d'autres Armées. En effet, on peut prendre l'exemple de l'allié Austro-Hongrois de l'Allemagne qui mit sur pied une panoplie de mortiers de tranchées assez ressemblants, similitudes se rencontrant également chez les projectiles. Ainsi, il est nécessaire d'avoir un minimum de connaissances sur le sujet pour pouvoir identifier clairement un mortier et ses munitions, et ce pour en définir notamment la nationalité exacte !
Dans le cas présent, un rapide coup d'oeil permet de faire la différence entre un modèle allemand et autrichien, ce qui n'est pas forcemment le cas avec le projectile de Minenwerfer Lanz dont son cousin autrichien est tout à fait semblable extérieurement à celui de l'Armée Impériale.



Position souterraine de tir d'un Minenwerfer Austro-Hongrois disposant d'un petit air du mortier Mauser.


A savoir que comme tout matériel, l'adversaire pouvait se servir de ces mortiers de prise, une sorte de retour à l'envoyeur comme le montre la photo ci-dessous! En effet, cette dernière représente un soldat français du 261ème régiment d'infanterie se familiarisant avec l'emploi du mortier de son adversaire.
Rarement représenté du côté français, ce type de phénomène se retrouve toutefois bien plus souvent sur les clichés allemands où les soldats posent volontier avec toutes sortes de matériels ramassés après la bataille; on pense dès lors aux nombreuses photos d'équipements anglais entassés.










Sources:
- Traduction de l'instruction allemande sur le "Service de Pionnier dans la Guerre de Siège" de 1913 faite à la "Section Technique du Génie" français en 1915
- Note sur les engins de tranchée allemands par le Ministère de la Guerre - Septembre 1916
- Tuyaux de poêle et sceaux à charbon par Patrice Delhomme - Gazette des armes n°179 Juillet 1988
- Fascicule sur les projectiles du Minenwerfer lisse léger de 9,13cm type Mauser par Henry Bélot

Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Jérémie Raussin
- Thierry Jousson
- Rémy Risacher
- Stéphan Lalisse
- José Baugeard
- Pascal Casanova
- Thomas Wictor ( USA )
- Ralph Whitehead ( USA )
- Mike Welch ( USA )
- Brett Butterworth ( Australie )
- Jürgen Schmiesche ( Allemagne )



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