Les Grenades à Manche d'instruction



Hommes du Landsturm en école de formation.
On remarquera que certains d'entre eux sont issus d'un petit état, le Mecklembourg-Schwerin.


La grenade à manche peut être considérée aux yeux de tous comme mythique puisque même un non passionné d'histoire et de militaria, à la simple prononciation de ces mots, sait de quoi il est question.

Son origine remonte au premier conflit mondial et plus précisément à la guerre de tranchée où durant les premiers mois, devant la pénurie de matériel adapté, les soldats décidèrent eux-mêmes de produire des grenades très particulières qui seront dénommées "Pétard raquette". Après un certain temps d'adaptation, ces grenades de fortune finiront par être produites à l'arrière et donc par évoluer de façon à ce que leur capacité explosive soit plus importante et que la munition elle-même soit mieux finie.

C'est donc de par cette innovation que va être produite en arsenal dès le début de l'année 1915, aux environs du mois de Février, une grenade de type réglementaire. Caractéristique, ce modèle se présente sous forme d'une grosse boite explosive réalisée en tôle épaisse, grossièrement fermée, vissée sur un manche en bois à l'extrémité arrondie de par où sort un cordeau tire-feu sur lequel il suffisait de tirer pour actionner le mécanisme.
Ainsi, la grenade à manche venait de naître et à partir de cette date, elle ne cessa d'évoluer et d'accompagner le soldat dans la plupart de ses actions offensives, comme défensives.

Dès lors, il était nécessaire pour l'Etat-Major allemand de former ses troupes quant à l'utilisation d'une telle grenade. Son maniement et ses conditions d'utilisation allaient donc dorénavant être au programme !



Soldats allemands s'entrainant au lancer de grenades.



I - LES GRENADES A MANCHE DIDACTIQUES




Dans sa toute première phase de formation, le soldat devait se familiariser avec cette nouvelle munition qui allait compléter plus tard son armement une fois arrivé au front.

De ce fait, qu'il s'agisse d'un "bleu" tout nouvellement incorporé ou encore d'un effectif déjà engagé, tout soldat devait être confronté à ce type de grenades durant des cours qui lui étaient donnés au dépôt de recrues ou tout simplement à l'arrière du front sur l'un des nombreux camps d'entrainement.

Ainsi, d'un point de vue théorique, le soldat suivait des cours comme n'importe quels petits écoliers et avait la possibilité d'analyser ce que l'on appelle une grenade didactique dont la coupe permettait de mieux comprendre le fonctionnement de la munition, laissant apparaître tous ses éléments internes.



Recrues des Strumtruppen présentant une panoplie de grenades didactiques.



II - LES GRENADES A MANCHE DE MANIPULATION


Une fois cette partie théorique abordée, le soldat passait à l'étape suivante avec les cours pratiques !

En effet, il était nécessaire pour lui de pouvoir toucher l'objet dont il était question, d'être en contact direct avec ce dernier et de commencer à s'essayer dans des premiers lancers. Pour cela, des grenades dites "de manipulation" étaient mises à sa disposition. Ces modèles reprenaient à l'identique le profil et le poids d'une grenade à manche ordinaire à l'exception près que cette dernière était peinte en rouge et que sa composition explosive était remplacée par un simple cylindre de bois.



De nombreux ateliers de production ont été mis à contribution dans cette tâche essentielle qu'est l'instruction et à laquelle l'Armée allemande donne le plus grand soin. De ce fait, de nombreux modèles et variantes peuvent donc être rencontrés, les différences visibles étant ainsi multiples !
L'hypothèse que des versions d'exercice aient été étendues à l'ensemble des modèles de grenades à manche ( modèle 1915 - 1916 - 1917 ) est loin d'être insensée. Cette idée semble se confirmer avec notamment des grenades à manches spécifiques comme les modèles percutants, à cuillère ou de type Wilhelm qui devaient forcément exister pour l'instruction, leur fonctionnement étant totalement différent.

Ainsi, veuillez trouver ci-dessous une grenade à manche de manipulation dans sa version fusante à allumage automatique modèle 1916. Ce modèle très particulier est reconnaissable par son manche totalement cylindrique réalisé en tôle mince et doublé à l'intérieur par un tube de carton recouvert d'aluminium. C'est dans ce dernier que l'on retrouve un système de mise à feu original comprenant un contrepoids auquel est reliée une boucle en acier prolongée par une ficelle assez longue pour éviter tout incident, elle-même rattachée au rugueux de la grenade. Ainsi, lors du lancer de cette Stielhandgranate, la boucle comprimée contre les parois du manche va ralentir la sortie du contrepoids qui, une fois libéré dans les airs, entrainera le déroulement de la ficelle puis l'arrachage du rugueux.
A savoir que le manche de cette grenade dispose d'un côté d'une date de fabrication et de l'autre, du fameux temps de retard ainsi que du marquage fabricant.
Par ailleurs, on retrouve étonnamment sur le pot de la grenade le cadre si typique rappelant que le détonateur ne doit être placé qu'avant utilisation ( Vor Gebrauch Sprengkapsel einseizen ) ainsi que le code fabricant de la tête dans le coin inférieur droit.





La demande étant telle pour l'époque qu'ont été mises sur pied des grenades à manche d'instruction de conception bien plus rudimentaire, souvent élaborées pour un enseignement succinct proposé dans les camps d'entrainement improvisés aux environs des campements sur les arrières. Ces dernières, de taille assez imposante, se présentaient alors sous forme d'une seule pièce taillée à la hâte dans un morceau de bois donnant l'illusion, ou presque, de ce que peut être un authentique modèle.


Soldat s'essayant au lancer de grenades avec des modèles entièrement en bois.


A savoir que des modèles plus petits, mais renforcés par des cercles d'acier pour obtenir un poids avoisinant celui des vrais, ont également été produits.




III - LES GRENADES A MANCHE D'EXERCICE



Groupes de soldats allemands munis de grenades à manche d'exercice photographiés en Novembre 1917 dans un läger.


Pour sensibiliser encore un peu plus le soldat à l'emploi des grenades à manche dont beaucoup ignorent le fonctionnement, une autre gamme de projectiles était mise à sa disposition lors de ces stages de formation. Ces grenades utilisées étaient des modèles à tête métallique peinte en rouge dont la particularité est qu'elles étaient percées de trous.

Dans un premier temps, ces orifices étaient au nombre de 5 et placés au sommet du pot de la grenade d'exercice ( profil des grenades à manche modèle 1915 ) tandis que les fabrications plus tardives se voyaient affubler de 3 trous supplémentaires sur le pourtour de la boite.


Grenade à manche d'exercice avec marquage ordinaire sur le bois. Il s'agit d'une production tardive, d'où les cinq trous sur le dessus du pot.
On remarquera que ce modèle dispose d'un manche dont le système d'attache ( pouvant être peint en vert ou non ) est muni de stries ondulatoires.


D'un poids identique à une véritable grenade, ces munitions d'exercice disposaient d'un artifice fumigène bien particulier. En effet, lors de la traction sur le cordeau tire-feu, une légère fumée sortait des divers orifices de la grenade et permettait ainsi à l'élève et à son formateur de suivre la trajectoire de cette dernière dans les airs, tout comme son point de chute. Par ailleurs, après 5 secondes ( durée du retard d'une grenade réelle ), la fameuse charge fumigène finissait par dépoter ce qui permettait de définir précisemment le moment où ce projectile aurait dû exploser et de constater, si oui ou non, les rudiments du lancer précédemment inculqués avec les grenades de manipulation avaient bien été assimilés.
A savoir que ces grenades furent considérées comme très performantes dans l'apprentissage technique des soldats et leur entrainement, elle continuèrent d'ailleurs même à être utilisées après guerre par la Reichwehr.


Autre modèle de grenade à manche d'exercice de production tardive.
On notera que pour ce modèle le manche est muni d'un marquage bien spécifique.


Comme toujours, nul besoin de préciser qu'il existait d'innombrables variantes pour ce type de grenades. Ainsi, les modèles étaient nombreux et les différences notables se trouvaient essentiellement au niveau du pot. En effet, la forme, les dimensions ainsi que les emplacements des orifices sont autant de points qui pouvaient différer d'un modèle de grenades à un autre.


Exemple de différences entre deux pots de grenades à manche d'exercice.


Par ailleurs, le corps de la grenade n'était pas le seul à être différent selon les modèles puisque le manche lui-même et ses systèmes d'attache où se vissaient la tête et le bouchon à étoile pouvaient arborer des divergences. De plus, selon le modèle de grenades, les manches pouvaient être affublés de marquages normaux ou faisant directement référence au type de grenade, ici d'exercice ( Ub. Sthdgr. Bz. = Übung Stielhandgranate Bz ).


Vue présentant divers modèles de pot et de système d'attache.


A savoir qu'il existait même des grenades dont les manches étaient totalement artisanaux et non usinés. Les nombreuses photos d'époque sont ainsi là pour le confirmer et certaines d'entre elles permettent de ce fait d'admirer ce genre de détails qui pour nous, amateurs de militaria, s'avèrent très intéressants.




III - LES GRENADES D'EXERCICE DE DERNIERE GENERATION


Certaines situations ont montré que de nombreux soldats, issus pour certains d'un monde totalement opposé à celui de l'Armée ( instituteur, etc.. ), étaient comme pétrifiés une fois une grenade réelle en main, ne sachant plus du tout quoi faire lorsque celle-ci était armée. Pour éviter tout incident de ce type et déceler ainsi à l'avance les personnes susceptibles de développer ce genre de comportement à risque, une nouvelle grenade à manche d'instruction fut produite et utilisée durant la dernière phase de formation.

Cette dernière réalisée en tôle mince ressemblait comme deux gouttes d'eau à un modèle explosif. En effet, pour que l'illusion soit totale, il n'était plus question de peinture rouge mais d'un banal vert clair, Feldgrau; seul un orifice sur le sommet pouvait porter à confusion même si ce dernier était à l'origine, avant emploi, fermé par un opercule afin que l'utilisateur ne soupçonne quoi que ce soit et ne puisse ainsi se douter de rien.
De plus, pour donner l'impression que cette grenade à main était chargée, un bloc de bois lesté de billes de plombs était utilisé.



Grenade découverte dans un lac et repeinte dans une teinte Feldgrau comme à l'origine.



En conclusion, nous pouvons donc dire que le thème des grenades à manche d'instruction est intéressant à étudier tant par les diversités des modèles existants que par leurs variantes. Il représente ainsi à lui seul un vrai thème de collection même si de nos jours, il s'avère difficile de trouver des pièces originales en bon état.
Pour finir, en bonus, veuillez trouver ci-dessous une vidéo réalisée à l'époque dans l'optique de former les futures recrues des troupes d'assaut, les fameuses Strumtruppen. Cette dernière résume bien notre étude puisqu'elle montre des soldats s'essayant dans des premiers lancers avec des grenades dites "de manipulation" ( ici des modèles réalisés tout en bois ) puis, dans des exercices plus poussés, avec les modèles de grenades à manche usinées de trous.











Sources:
- Les grenades allemandes de la Grande Guerre par Patrice Delhomme

Photographies:
- Archive et collection personnelle
- Chassepot
- Mickaël Watrin
- Brett Butterworth ( Australie )
- Serge Vandenbroeck ( Belgique )
- Nick Jeans ( Angleterre )
- John Bailey ( Angleterre )
- Andrew Edgcombe ( Nouvelle Zélande )



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